
(...) « Ma mère a très peur que Poutine me tue, pour l’ensemble de mes déclarations dans la vraie vie et sur les réseaux sociaux. Et ce n’est pas une blague, c’est une personne intelligente », expliquait l’opposant dans une récente interview évoquée par le New York Times. Et lui ?« Je suis inquiet, mais pas autant que ma mère », répondait-il. Boris Nemtsov a été assassiné dans la nuit de vendredi à samedi, au pied du Kremlin.
Cet ancien vice-Premier ministre russe incarnait la génération des jeunes réformateurs des années 1990 avant de devenir un virulent critique du président Vladimir Poutine, qu’il comptait défier à nouveau dimanche en manifestant.
Abattu par balles à 55 ans juste à côté du Kremlin, Boris Nemtsov avait notamment été l’un des chefs de file de la vague de contestation sans précédent qui avait marqué en 2011-2012 la campagne électorale de Vladimir Poutine, alors candidat pour un troisième mandat de président. Plusieurs fois interpellé par les forces de l’ordre lors de manifestations, il avait aussi subi des perquisitions et été mis sur écoute, sans jamais cesser de dénoncer la corruption de ce qu’il appelait le « système oligarchique » du Kremlin.
Le teint toujours bronzé, les cheveux en brosse, l’air séducteur malgré de grands yeux noirs pochés de cernes, Boris Nemtsov, physicien de formation, avait commencé sa carrière peu avant l’effondrement de l’URSS, élu en 1990 au Soviet suprême, le Parlement soviétique.
C’est en s’opposant à la construction d’une centrale nucléaire dans sa ville de naissance Nijni-Novgorod que ce physicien atomique s’est lancé en politique, rappelle le New York Times. Après avoir été gouverneur de la cette région à 400 km à l’est de Moscou, il avait entamé une ascension fulgurante sous la présidence de Boris Eltsine, sous lequel il avait incarné la génération des jeunes ministres réformateurs de la Russie post-URSS. (...)
Après la réélection de Vladimir Poutine au Kremlin en mai 2012, il a continué à dénoncer les dépenses jugées excessives du président et la corruption, notamment lors des Jeux olympiques d’Hiver à Sotchi (sud). L’influence de ce vétéran de l’opposition, très présent sur les réseaux sociaux, semblait cependant diminuer au profit d’une nouvelle génération d’opposants incarnée par Alexeï Navalny, de 17 ans son benjamin.
C’est d’ailleurs avec lui qu’il avait appelé à la tenue dimanche d’un vaste rassemblement de l’opposition pour dénoncer la mauvaise gestion par le Kremlin de la grave crise économique que traverse la Russie en raison des sanctions occidentales et de la chute des prix du pétrole. Trois heures avant sa mort, il était encore à l’antenne d’une radio moscovite, appelant les auditeurs à manifester dans un discours enflammé sur l’Ukraine et Poutine. « Cette marche demande l’arrêt immédiat de la guerre avec l’Ukraine, elle exige que Poutine cesse son agression. » Il signait là son testament politique.