[article du 15 octobre 2011] Note du traducteur : On a enfin une explication de la haine des journalistes "mainstream" envers Julian Assange. Et où l’on trouve aussi la confirmation de ce que je répète à qui veut bien l’entendre : les journalistes ont réécrit l’histoire et rejeté sur Julian Assange leurs propres erreurs, amateurisme et coups bas pour sortir "blanchis" de l’histoire. Ils ne pouvaient pas faire autrement que d’étouffer sa voix.
Après s’être frayés un chemin sur le dos de notre organisation, deux de ces partenaires médiatiques ont commencé à se comporter comme si je représentais un risque moral. Rien n’avait changé dans le matériel, rien n’avait changé dans notre passion de le révéler, mais de fausses allégations avaient été faites contre moi, ce qui a fait que ces hommes ont augmenté leur mauvais comportement et les stéréotypes qu’ils avaient sur moi au point que c’en était fou.
Il y avait des histoires incroyables dans les câbles : 25 millions de dollars de pots-de-vin à des politiciens en Inde, donnés en connaissance de cause par des diplomates américains apparemment sanguins ; des signes d’ingérence américaine continue dans la politique haïtienne ; des révélations qu’un candidat à la présidence péruvienne avait pris de l’argent à un présumé trafiquant de drogue ; des niveaux sans précédent de lobbying de diplomates auprès de gouvernements étrangers au nom de sociétés américaines ; des politiciens en Lituanie payant des journalistes pour une couverture positive ; et même l’espionnage par des diplomates américains de leurs collègues aux Nations unies.
Les câbles allaient être sensationnels, mais à ce stade, ils n’étaient pas tout à fait prêts. Tout éditeur digne de ce nom l’aurait compris : il était plus important que n’importe quel scoop que le matériel soit correctement préparé et que les sources soient protégées. C’était la priorité numéro un. Mais pas pour The Guardian. Dès que le journaliste principal est rentré de vacances, il a commencé à me harceler au sujet de la publication. Il a dit qu’un journaliste rival avait une copie des câbles et qu’il menaçait clairement leur exclusivité.
J’ai enquêté sur cette affaire. Il s’est avéré que notre collègue islandais Smá’ri McCarthy avait effectivement partagé le matériel avec le journaliste pendant un moment d’anxiété. (...)
Le journaliste principal du Guardian a déclaré que tout cela était très menaçant et qu’il voulait se précipiter la publication. Je lui ai dit que nous n’étions pas prêts et que nous avions un accord écrit. Il est parti en colère et nous n’avons pas eu de ses nouvelles.
Il est apparu plus tard qu’il avait déjà copié le matériel pour le New York Times. Ils se préparaient à publier sans tenir compte des questions importantes - des questions de vie et de mort - derrière les documents. Comme des bandits avides, imprudents et maudits, ils allaient tirer sans sommation, peu importe qui se trouvait en travers de leur chemin. Le journaliste du Guardian s’était comporté de façon lâche et désordonné, et était bien content de faire plaisir à son journal et à ses héros de l’autre côté de l’Atlantique, tout en nous jetant le tout sur la tête sans prévenir... WikiLeaks pouvait aller se faire pendre à l’arbre le plus proche. (...)
J’ai laissé entendre que je donnerais immédiatement la totalité de la cache de matériel à Associated Press, à Al Jazeera et à News Corp. Je ne voulais pas le faire, mais je le ferais s’ils ne jouaient pas le jeu.
Ils ont dessoûlé et ont commencé à parler plus raisonnablement de la manière dont la publication pourrait être gérée.
Il s’est avéré plus tard, par l’intermédiaire des gars du Spiegel, que le Guardian était prêt à nous "entuber" depuis le début. Ils travaillaient avec le New York Times et étaient prêts à se lancer sans même nous le dire, et sans nous donner la chance de préparer les données correctement ou de nous préparer à une attaque.
C’est dire à quel point The Guardian se souciait des principes en jeu. La transparence ? Vous plaisantez, j’espère. Une nouvelle génération de libertaires ? Ils ne pouvaient pas s’en soucier moins.
Un nouvel état d’esprit de révoltes populaires dans le monde et un nouvel esprit de dire la vérité au pouvoir ? Le Guardian - le journal le plus mal nommé au monde - a beau publier photo après photo depuis la place Tahrir, ils étaient prêts à vendre tous les principes ou les balancer par dessus bord. (...)
Nous avions un mois pour mettre les câbles en bon état, et ce serait le mois le plus exaltant de ma vie. Les câbles allaient montrer au monde moderne ce qu’il pensait vraiment de lui-même, et nous avons travaillé toute la nuit dans une maison de campagne anglaise pour respecter l’échéance.
La neige avait commencé à tomber et elle recouvrait uniformément la campagne du Norfolk. Il n’y avait aucun moyen de savoir que la maison allait devenir ma prison pour un bon bout de temps [1 an - NdT].
Julian Assange
15 octobre 2011 (...)