
Le ministère de la justice n’a pas répondu à la demande d’agrément de Sherpa sans laquelle l’association pourrait ne plus pouvoir se constituer partie civile en matière de corruption. L’association a décidé d’interpeller publiquement le gouvernement.
Sherpa avait obtenu, sans l’ombre d’une difficulté, cet agrément en 2015 pour une durée de trois ans.
Une nouvelle demande d’agrément a été déposée en juin 2018 avec la certitude qu’il serait accordé. Il l’a été pour les associations Anticor et Transparency International France.
Le Ministère de la justice n’ayant pas répondu à cette demande à l’issue du délai qui lui était imparti, cela produit les effets d’un refus comme le prévoit le décret du 12 mars 2014 relatif aux conditions d’agrément des associations de lutte contre la corruption en vue de l’exercice des droits reconnus à la partie civile[1].
Un recours a été formé auprès de la ministre de la Justice le 11 mars 2019.
Sans cet agrément, Sherpa pourrait ne plus se constituer partie civile en matière de corruption, ce qui est pourtant le cœur de son action dans la lutte contre les flux financiers illicites.
L’action civile des associations entravée
Chacun voit que c’est un mouvement général et discret qui s’est amorcé aux fins de réduire la capacité d’agir des associations dans le champ judiciaire. En effet, dans deux arrêts récents[2], la Cour de Cassation a considéré qu’une association ne pouvait se constituer partie civile si les conditions des habilitations prévues par les articles 2-1 du Code de procédure pénale et suivants n’étaient pas remplies et semble donc interpréter de façon stricte les textes sur l’action civile des associations.
Pour Sherpa, cela serait de nature à remettre en cause l’un de ses cœurs de métier, soit l’action contentieuse pénale innovante.
En outre, l’action civile des associations ne serait ainsi plus envisageable en matière de corruption si le pouvoir politique refuse, sans raison crédible, de les habiliter à agir, comme c’est le cas aujourd’hui pour Sherpa.
Une telle situation conduirait notre pays à entrer dans une logique de régression et ainsi à faire exception dans un paysage international dans lequel les associations sont de plus en plus considérées comme parfaitement légitimes à mettre en œuvre des actions judiciaires, notamment dans le champ de la corruption tel qu’en Angleterre, aux États-Unis, en Afrique du Sud, en Espagne, en Allemagne et dans de nombreuses autres démocraties.
L’action civile des associations, un contrepouvoir nécessaire dans un Etat de droit (...)
Des affaires telles que celle des Biens mal acquis, Vinci au Qatar ou encore Lafarge en Syrie n’auraient sans doute jamais été initiées, ou jamais atteint le stade de l’instruction, sans l’action civile de Sherpa.
L’élargissement de la recevabilité de l’action civile des associations est porté par Sherpa qui a déposé un projet d’amendement en ce sens dans le cadre des débats autour du Projet de loi Justice[3]. Mais un climat de soupçons semble s’installer à l’égard des contrepouvoirs que représentent les associations et de leur vocation à favoriser l’ouverture d’enquête lorsque l’intérêt général est gravement menacé.
Il est urgent que le gouvernement prenne position en faveur consolidation de l’action civile des associations, et que Sherpa obtienne son agrément.