
Le concept de dette écologique est né début des années ’90 sous l’impulsion d’ONGs sud-américaines qui revendiquaient l’annulation de la dette des pays du Tiers-Monde, stipulant d’une part que l’essor économique de l’Occident a en grande partie reposé depuis cinq siècles sur le pillage des ressources naturelles et la destruction des écosystèmes du Sud et pointant d’autre part la responsabilité historique des puissances du Nord dans la dégradation de l’environnement. Loin de s’en tenir à une approche strictement environnementaliste, La dette cachée de l’économie replace cependant la question écologique au cœur des rapports de domination et d’exploitation économiques.
Dans un ouvrage remarquablement documenté, Renaud Duterme et Eric De Ruest, deux collaborateurs du CADTM, se sont attelés à cerner cette notion relativement récente qui, bien plus qu’une notion comptable, a pour vocation de favoriser la remise en question du dogme de la croissance et de susciter la mobilisation contre un modèle capitaliste productiviste, destructeur pour la planète et l’humanité.
Dépassant par ailleurs le strict point de vue géographique qui opposerait un Nord homogène à un Sud homogène, les auteurs invitent également à analyser la notion de dette écologique en termes de classes sociales : « le 1% le plus riche contre les 99% restants », démontrant « à travers de multiples exemples que, bien souvent, au Nord comme au Sud, la majorité subit les mêmes politiques, dictées par une oligarchie que guide la recherche du profit à court terme. »
Dressant dans une première partie, l’histoire géopolitique de la dette écologique, qu’ils font remonter à 1492 « tournant pour la plupart des populations de la planète, mais aussi pour les écosystèmes », les auteurs rappellent comment les colonisateurs vont imposer aux pays du Sud de se spécialiser dans des monocultures incultivables dans les zones tempérées du Nord et procéder à l’exploitation intensive de leurs ressources minières et forestières. (...)