
Clin d’œil à Reclaim the streets, mouvement anglais des années 1990, Reclaim the fields a mené des actions d’occupations face à divers projets d’aménagement. Retour avec une étoile de cette « constellation » sur cinq ans de luttes et de rencontres.
CQFD : Quand et pourquoi est né Reclaim the fields ? Comment s’organise ce « réseau » ?
Nous nous définissons comme un collectif réunissant des jeunes paysan-ne-s, des sans-terre, des paysan-ne-s en devenir, qui voulons simplement nous réapproprier la production alimentaire. Reclaim the fields réunit des individus qui ne se retrouvent pas forcément dans les structures paysannes classiques, que ce soit en termes de valeurs mais aussi d’organisation : tout est né de quelques jeunes militants de la Confédération paysanne ou de la Via Campesina, réunis vers 2007-2008 autour de la question de l’installation agricole notamment, et qui avaient envie de s’organiser de façon plus horizontale. Nous avions aussi la volonté de ne pas reproduire des mentalités préétablies : nous ne voulions pas par exemple dissocier notre vécu et notre vie quotidienne de la question agricole – ce qui nous a ainsi permis d’aborder des questions de vie collective et de genre, ou encore de nous engager pleinement auprès d’autres luttes. La paysannerie doit entrer en résonance avec les différents mouvements sociaux et s’intégrer dans une critique plus globale du capitalisme, de notre société de contrôle, des politiques gestionnaires à l’œuvre autant dans le milieu agricole que dans d’autres sphères sociales : on n’a surtout pas envie de rester cantonnés au champ agricole !
C’est pour cela également que nous nous présentons comme une nébuleuse, tout d’abord parce qu’il y a des « constellations » et des « étoiles » Reclaim the fields disséminées un peu partout en Europe. Mais surtout parce que nous sommes avant tout un ensemble d’individus qui nous retrouvons collectivement sur des luttes. Ça vient d’un refus de trop nous formaliser en tant que réseau : nous privilégions les interactions entre personnes, la bienveillance et les complicités qui se tissent avec le temps.
Reclaim the fields a participé à de nombreuses occupations de terres face à divers projets d’aménagements : une pratique de lutte qu’on n’avait pas vue à l’œuvre depuis longtemps... (...)
suite à une rencontre et des liens créés avec des occupants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en mai 2011, à l’appel de Reclaim the Fields et des zadistes, 1 000 personnes sont venues défiler sur la ZAD fourches et faux à la main, pour défricher une parcelle d’un hectare en vue de l’installation de maraîchers sur les terres menacées par l’aéroport. Cela a marqué la naissance du lieu-dit « Le Sabot », tenu par un collectif qui s’est adonné au maraîchage dans le but de produire sur place, pour nourrir – entre autres – la ZAD. (...)
si on peut dire que les occupations de terres avaient effectivement disparu du champ des pratiques de luttes, nous nous sommes aperçus que, désormais, même la Confédération paysanne ou d’autres structures s’y remettaient. C’est une résistance en actes, très concrète, puisqu’on se réapproprie une terre, on la travaille, on la sème et on vit dessus. C’est une formidable façon de rencontrer d’autres personnes, notamment plus âgées, qui se remémorent les temps où l’on parlait sans ambages de collectivisation des terres. Occuper une terre, c’est à la fois lutter, mais aussi expérimenter et se projeter vers une installation future. (...)
Au-delà de ces actions, nous avons un groupe qui travaille sur l’installation agricole hors cadre, plus marginale, et qui permet de contourner la machine administrative de contrôle permanent. Il y a peu, nous avons organisé plusieurs jours de rencontres uniquement centrés sur l’installation et la transmission des fermes, et on va sûrement réitérer ce type de rencontres d’ici l’automne. Nous avons également créé « Fourche et Champ libre », un réseau d’une trentaine de fermes collectives, dans une sorte de compagnonnage pour se former, à la fois politiquement et concrètement, à la vie collective et aux pratiques agricoles. Cela permet indirectement de créer un réseau d’entraide entre ces fermes, à travers des échanges de matos ou de semences, grâce aux personnes qui tournent parmi des lieux. (...)