
La pension des femmes à la retraite est aujourd’hui presque moitié moindre que celle des hommes. Des mesures sont prévues pour mieux prendre en compte les temps partiels et les congés maternité. Mais cela suffira-t-il à combler cette profonde inégalité ? Demain, une femme à la retraite vaudra-t-elle plus que la moitié d’un homme ?
(...) « En abaissant le nombre d’heures à partir duquel on peut valider des trimestres, le gouvernement fait un pas vers les petits temps partiels, reconnaît Christiane Marty, membre d’Attac, de la fondation Copernic (think-tank de la gauche anticapitaliste) et syndicaliste de Sud Energie. Mais cela concerne très peu de monde. » Environ 3% de salariés très précarisés. Aux yeux de la CGT, cette « proposition gouvernementale paraît équitable ». Mais la confédération craint qu’elle ne devienne « un encouragement à développer encore plus la précarité, en particulier les contrats courts, et les contrats discontinus (par exemple, 4 h par semaine un mois, 20 h le suivant). »
Autre mesure « décisive » de la réforme Ayrault : une meilleure prise en compte des congés maternité dans le calcul de la retraite. Là encore, l’optimisme de la ministre des Droits des femmes est à tempérer. Cette prise en compte ne concerne que les carrières longues, c’est-à-dire les femmes qui ont commencé à travailler jeunes, qui ont une carrière complète, et peuvent donc prétendre à un départ en retraite à 60 ans. Précisons que le dispositif « carrière longue » n’a concerné que 625 000 personnes entre 2004 et 2010, dont seulement 20% de femmes, sur les 6 à 7 millions de personnes qui ont fait valoir leur départ à la retraite. « On ne peut pas dire que les effets de ce choix seront nuls. Mais enfin, encore une fois, cela reste à la marge », soupire Christiane Marty. (...)
« Au final, ces mesures ne permettront pas de réduire les inégalités entre les femmes et les hommes. Il est notable d’ailleurs que le chiffrage officiel des mesures cumulées pour les jeunes, les femmes, les carrières heurtées et les petites pensions fasse apparaître un coût nul jusqu’en 2030 ! », soulignent les économistes, syndicalistes et militantes féministes qui ont signé l’appel. « Le problème, c’est la durée du temps de travail, et le salaire, deux indicateurs qui impactent fortement le montant de la pension de retraite », insiste Christiane Marty. (...)
« Pour les personnes à temps partiels, le problème majeur, c’est que leurs salaires "partiels" débouchent sur des retraites misérables », rappelle Christiane Marty. « Instaurer une sur-cotisation patronale sur l’emploi à temps partiel serait une mesure légitime et efficace. Puisque ces temps partiels sont très profitables aux employeurs, comme l’illustre l’exemple des caissières dans la grande distribution, qui ne travaillent qu’aux heures de pointe ».
Ce genre de mesures signifierait rogner sur les bénéfices que les employeurs tirent des temps partiels subis. Une proposition totalement à contre-courant du discours dominant sur la compétitivité et le coût du travail. (...)
Plutôt que des mesures visant à compenser les inégalités avec des « droits complémentaires », il faudrait agir sur les droits directs des femmes à avoir une retraite digne de ce nom. Or, ces droits directs ont été rognés par les réformes successives. Calculer la retraite sur les 25 meilleures années et non sur les 10 implique une baisse immédiate du montant des retraites. Baisse d’autant plus importante pour les femmes, qui ont des carrières plus courtes, avec souvent des temps partiels. « Il faut revenir sur ces mesures », suggère Christiane Marty.
Elle propose aussi de prendre en compte un nombre d’années proportionnel à la carrière réelle. (...)
La politique des compensations dont semble se satisfaire le gouvernement acte de fait cette injustice, et se limite ensuite à tenter de rattraper les inégalités que cela génère. Sans oublier le profond déséquilibre dans la prise en charge des tâches domestiques et de l’éducation des enfants. Les congés parentaux sont ainsi pris à 97% par les femmes. Et une enquête réalisée en juillet pour l’Union nationale des associations familiales (Unaf) révèle que les pères perçoivent l’idée d’un congé parental de six mois comme « une prise de risque majeur » dans leur vie professionnelle. Prise de risque qu’ils préfèrent manifestement réserver à leurs compagnes.
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