
Dans un précédent article consacré aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence organisées par le « Cercle des économistes », nous montrions comment la fine fleur du journalisme mettait ses services à disposition des « dirigeants et des intellectuels organiques du capitalisme », renonçant ainsi à « son indépendance et au pluralisme du débat économique » tout en s’assurant « une opportunité d’élargir [son] réseau relationnel au sein des cercles dirigeants. »
Une indépendance largement mise à mal dans le paysage médiatique dominant, à en juger par le nombre de rédactions – publiques et privées – ayant dépêché des journalistes aux Rencontres afin qu’ils y animent des « débats ». Une indépendance – et un pluralisme – même doublement bafoués lorsqu’on s’attache à analyser, comme nous allons le faire dans ce deuxième volet, le traitement qu’ont réservé ces mêmes médias à l’événement dont ils étaient partenaires.
À la différence des « Rencontres déconnomiques » qui n’ont bénéficié à notre connaissance d’aucune couverture dans les grands médias [2], les Rencontres économiques ont été l’occasion d’une vaste (et élogieuse) campagne dans les médias dominants – en particulier chez les médias dits « partenaires » – qui se sont attelés à en décupler l’écho, avant et après leur déroulement.
De contenus sponsorisés en contenus originaux promotionnels
Poussant les logiques de connivence jusqu’à l’extrême, certains médias ont directement confié la rédaction d’articles à un « partenaire » impliqué dans l’organisation des Rencontres. Ainsi de La Nouvelle République et des articles « Rencontres économiques d’Aix-en-Provence : ces jeunes pousses qui inventent le monde de Demain » et « Rencontres économiques d’Aix-en-Provence : un regard sur le monde Demain » respectivement publiés les 12 et 16 juillet. Le premier consiste en une description panégyrique, entre deux reproductions de tweets de Bpifrance, des différents débats, là où le second ressemble à un dépliant de communication des différentes start-up présentes sur place (des liens hypertextes renvoient d’ailleurs systématiquement à leurs sites internet). (...)
« Les » économistes ont donc pu compter sur le soutien des médias dominants pour relayer non seulement leurs façons de cadrer les problèmes économiques actuels mais également leurs préconisations en matière de politique publique (économique, sociale, etc.). Ces derniers ont ainsi, et parfois sans le moindre questionnement, épousé le rôle de lobbying joué – et revendiqué – par le think tank libéral (...)
Les véritables voix économiques dissonantes n’ont effectivement pas été au menu des grands médias, fidèles à la ligne économique qu’ils animent le reste de l’année. Les mois de juin et juillet ont été en revanche l’occasion d’une recrudescence de la médiatisation du Cercle des économistes, généralement en la personne de son président, Jean-Hervé Lorenzi, mais pas seulement. (...)
Comme nous le signalions dans notre précédent article, le simple fait que des journalistes animent des débats lors des Rencontres économiques, servant la plupart du temps la soupe aux grands patrons, membres du gouvernement et autres « start-upers » sans avoir le choix des invités – car préalablement sélectionnés par le Cercle des économistes – en dit déjà long sur l’indépendance dont ils peuvent se prévaloir. (...)