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Repérer, prévenir, être avec ; en quoi le projet éducatif s’oppose au projet sécuritaire
Article mis en ligne le 24 mars 2012
dernière modification le 21 mars 2012

Une des difficultés importantes de la pensée sur l’éducation, qui cause tant de flottements et tant de difficulté, est le flou entretenu entre certains concepts, sur lesquels il nous faut donc revenir.

Ainsi les partisans de l’autonomie en matière éducative se recrutent-ils parfois parmi les ultralibéraux et, d’autres fois parmi des militantEs pédagogiques, engagéEs politiquement à l’opposé. C’est que les unEs entendent l’autonomie comme l’échelon déconcentré d’une gouvernance et d’une gestion des ressources humaines qu’ils appellent de leurs vœux dans une école devenue « marché » (et ouverte à la « vertu » de la concurrence). Pour les autres, l’autonomie dont il est question signe avant tout un acte d’appropriation et d’émancipation, tant pour l’éducateur/trice que pour les enfants et leurs familles. Entre ces deux conceptions, rien de commun et pourtant, le mot, piège, traître, est le même.

La novlangue sécuritaire

On comprend dès lors que les partis politiques peuvent facilement camoufler le flou et le vide de leurs programmes et visions éducatives sous ce terme bien commode. Le mot autonomie n’est évidemment pas le seul à générer autant d’ambivalence. Que dire de la sécurité ? Qui ne voudrait d’une éducation, d’un travail éducatif et social qui placerait ses acteurs en sécurité ? Derrière ce consensus d’ensemble peuvent se cacher nombre de pratiques éducatives, enfermantes, archaïques, répressives… Comment dès lors s’en sortir ? On peut commencer peut être à y voir plus clair en ajoutant au concept de sécurité, par exemple l’adjectif « affective ». Oui, l’acte fondateur de l’éducation en direction des enfants est de placer ceux-ci dans un milieu où ils peuvent ressentir une sécurité affective. On voit dès lors en quoi les pratiques de vidéosurveillance, de policiers, de programmes de sécurité, de fouilles de règlementations… sont à l’opposé du but visé. (...)

La propagande que nous subissons en permanence, relayée par les médias ( qui ne survivent plus financièrement, ne vendent plus que grâce aux sujets sécuritaires, aux faits divers transformés en faux débats de société) s’appuie aussi sur des idées simples.

Parmi ces idées simples il y a d’abord celle-ci : « Plus on repère un problème plus tôt, mieux on le traite ». On voit la logique de cette affirmation ; elle est directement empruntée à la médecine, et au domaine du cancer, par exemple : je préfère en effet, le repérer quand la tumeur est petite et isolée.

C’est cette logique que nous assène la HAS (la Haute autorité sanitaire) quand elle exhorte ou conforte le gouvernement à pratiquer le dépistage précoce des psychopathies, des inadaptations, et maintenant des problématiques psychosociales. (...)

La seconde confusion porte sur le concept d’éducation lui-même ; n’en déplaise aux maniaques des droits et des devoirs, éduquer c’est avant tout donner et ne pas exiger. En éducation le lien précède la loi et lui donne du sens. Il faut avant tout donner à l’enfant le respect de ses rythmes, une reconnaissance de lui-même avec ses différences, un accueil inconditionnel… C’est ce don initial qui donnera du sens à la loi, aux limites, aux règles. Celui qui n’a pas reçu de don initial ne peut pas donner en retour. Nul ne peut donner ce qu’il n’a pas reçu. Et là encore, on voit la parfaite contradiction de cette exigence éducative, de cette inconditionnalité de la reconnaissance personnelle et de l’accueil de chacun… avec toute volonté de repérage, détection et de tri. (...)

Oui nous savons comment les enfants peuvent grandir plutôt bien au sien d’une école ouverte, respectueuse, inventive et créative. Oui nous savons comment nous pouvons rendre les enfants plus forts et capables de signaler, d’éviter et de réagir face aux violences qu’ils peuvent subir. Oui nous savons comment les enfants peuvent apprendre la socialité, la vie de groupe et l’autonomie. La question est de savoir si ce travail éducatif peut encore avoir lieu dans une école qui chaque jour, abandonne davantage l’éducation contre l’invasion des activités d’évaluation, de repérage et de contrôle social.

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