
Les valeurs que nous enseignons à nos élèves sont inscrites dans les programmes : la liberté, l’égalité, la fraternité, ce qui implique d’éduquer à la tolérance, au refus du racisme, à l’égalité hommes-femmes et garçons-filles, au respect dû à toute personne, étrangers, migrants, réfugiés, au refus de la haine et de la violence, à la paix et contre la guerre.
Pour être concret, et j’invite chaque enseignant à faire de même publiquement, voici ce que j’enseigne à mes élèves de CM2 :
Dans le cadre de l’Education Morale et Civique, nous travaillons sur la tolérance, sur l’égalité des droits à partir de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Nous louons la liberté d’expression en soulignant que les idées racistes et antisémites n’en font pas partie et qu’elles sont un délit punissable. Nous racontons les combats de Rosa Parks et de Martin Luther King contre la ségrégation raciale et pour l’égalité ; nous valorisons la non-violence comme méthode de lutte contre toutes les discriminations, les racismes et les inégalités. La phrase de Luther King, "il nous faut apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons périr comme des imbéciles" est affichée en classe avec le portrait de l’auteur. Nous éduquons au respect des différences, de toutes les différences, condition sine qua non de notre vivre ensemble. Nous montrons combien les inégalités entre les femmes et les hommes subsistent encore et nous travaillons sur les préjugés et les stéréotypes sexistes qui demeurent.
En Histoire, nous étudions les textes des Lumières et nous soulignons la contradiction entre la Révolution qui assassine, qui organise la Terreur et la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen. Nous montrons que Napoléon a bafoué toutes les valeurs premières de la Révolution et qu’il est responsable de millions de morts dans toute l’Europe. Nous mettons en valeur les luttes des ouvriers, des mineurs, des syndicats pour leurs droits, pour les salaires, pour leur dignité. Victor Hugo est notre boussole et notre maître pour dénoncer les injustices et encenser la fraternité entre les peuples. Nous apprenons et chantons la belle chanson de Jean Ferrat Ma France, elle aussi affichée en classe, et dont les paroles sont toujours d’actualité.
Comme cela est inscrit dans les programmes d’histoire, nous travaillons sur le colonialisme au XIXème siècle et tout particulièrement l’idéologie raciste des colonisateurs. Des faits rien que des faits pour montrer que le colonialisme est responsable de nombreuses guerres et atrocités au XXème siècle, que la France a sa part de responsabilité dans ces désastres humains (...)
Faudra-t-il ajouter à notre cours la une détestable du Figaro Magazine pour que les élèves réalisent que le combat contre la haine, le racisme, les idéologies mortifères sont toujours d’actualité ?
Pour le 11 novembre, nous observons, analysons et commentons les monuments aux morts de Crépy en Valois et de Gentioux, monuments parfois qualifiés de "pacifistes", mais dont la force émotionnelle permet d’aborder concrètement ce qu’est la guerre en réalité. La phrase de morale à retenir est inscrite sur l’un de ces monuments : "Maudite soit la guerre !". (...)
Nous écoutons La Chanson de Craonne qui dénonce les galonnés et autres responsables politiques responsables de la boucherie de la 1ère guerre mondiale. Mes élèves retiendront ainsi que la guerre est d’abord une belle connerie. Ils trouveront le mot dans le poème de Jacques Prévert, Barbara. Je fais ainsi oeuvre d’éducation à la paix, contre la guerre et contre toutes les haines.
Tout mon travail, en conformité avec les programmes, est d’éveiller au sens critique, de montrer que notre Histoire nationale comporte aussi une face sombre qu’il est inutile de cacher (je rends hommage au passage à l’historienne Suzanne Citron, autrice de Le mythe national : l’histoire de France revisitée), d’apprendre le vivre ensemble, d’éduquer à la tolérance, au respect, de transmettre les valeurs de justice, de paix, de solidarité et de coopération, de leur expliquer que ces valeurs essentielles sont fragiles et que des combats seront toujours nécessaires pour les défendre et les faire vivre.
Messieurs du Figaro Magazine, vous avez jeté l’opprobre sur notre travail, vous avez sali notre profession. Vous êtes des diffuseurs de haine et l’Histoire vous jugera sévèrement. Nous ne nous laisserons pas jeter en pâture aux chiens. Nous allons nous battre avec nos armes, la plume, la parole, l’éducation et la non-violence contre tous vos mensonges, vos délires identitaires et vos obsessions nationalistes. Enseignants, il est temps de nous réveiller. La petite musique qui circule en boucle depuis des mois "porte en elle la guerre comme la nuée porte l’orage".
un dossier de plus monté avec des "témoignages" "anonymes" qui sentent le fake à 3 km...
— Jean-Philippe Cazier (@CazierJP) November 13, 2021
En tant qu'enseignante, je me sens insultée. En tant que parente d'élève du 93, je suis outrée.
Un tel torchon pour éviter les vrais problèmes : baisse des moyens dans l'école publique et des salaires du personnel, absence organisée de mixité sociale, inégalités territoriales... pic.twitter.com/OLYtLbaJy6— Aurélie Trouvé (@TrouveAurelie) November 13, 2021
Le Figaro propose donc que les enseignants aient la liberté d'enseigner le racisme, l'homophobie et l'éloge du colonialisme.
Cette attaque de l'éducation républicaine et la mise en cause des profs signent une dérive bien organisée dans le triste débat public contemporain. pic.twitter.com/OFV2p60HWK
— Clémentine Autain (@Clem_Autain) November 13, 2021