
Le centre de rétention administrative de Vincennes, en région parisienne, regorge d’hommes à la santé fragile, stressés et épuisés. Mais l’un d’eux, un Guinéen, suscite particulièrement les inquiétudes : positif au VIH, ce dernier risque une expulsion vers son pays d’origine, où il serait mal pris en charge, estiment des associations. Un cas "emblématique" des restrictions en matière de protection des étrangers malades. Reportage.
"Venez voir, s’il vous plaît venez voir", répète en boucle H. en faisant signe d’entrer dans sa chambre, qu’il partage avec d’autres retenus du centre de rétention administrative (CRA)
de Paris-Vincennes, en région parisienne. Là, le jeune homme soulève une couette. Des taches de sang séché émaillent le matelas. Son voisin de chambre - ils dorment là à trois, quatre, parfois cinq - est malade depuis plusieurs jours. Le voilà justement qui apparaît à ses côtés.
Ce second jeune homme a les yeux fiévreux. Un mouchoir bouche sa narine droite : ses saignements de nez intempestifs commencent à durer, "je ne comprends pas", s’inquiète-t-il. "Ça fait 15 jours que je suis ici, j’ai perdu du poids..." Il est allé à l’infirmerie, mais on ne lui a donné que du Doliprane, dit-il en montrant dans ses mains les comprimés.
D’autres retenus orientent vers un autre jeune homme. "Celui-là, c’est grave", glissent plusieurs voix. Celui-là, c’est R., visage très mince, t-shirt rouge et casquette sur la tête. Il veut à tout prix montrer son dossier médical pour prouver ses dires : il a la tuberculose. "Avant, j’allais à l’hôpital pour ça. Mais ici, il n’y a pas de médecin. Hier, j’ai craché du sang."
Un malade du VIH sous la menace d’une expulsion
Dans ce hall qui précède l’étroite enfilade des chambres du CRA, ces voix s’entremêlent à bien d’autres. Chacun veut témoigner. Tous ont le visage marqués par un mélange de stress et d’épuisement. Les paroles sont pressées, les histoires égrenées en quelques secondes, avant que les policiers surveillant la scène ne referment les portes.
La brèche a été ouverte par une visite de quatre parlementaires - Sandrine Rousseau (EELV), Raymonde Poncet (EELV), Danielle Simonnet (LFI) et Andy Kerbrat (LFI), ce jeudi 15 septembre. Une visite qui avait pour origine un cas particulièrement problématique d’accès aux soins. (...)
"Venez voir, s’il vous plaît venez voir", répète en boucle H. en faisant signe d’entrer dans sa chambre, qu’il partage avec d’autres retenus du centre de rétention administrative (CRA)
de Paris-Vincennes, en région parisienne. Là, le jeune homme soulève une couette. Des taches de sang séché émaillent le matelas. Son voisin de chambre - ils dorment là à trois, quatre, parfois cinq - est malade depuis plusieurs jours. Le voilà justement qui apparaît à ses côtés.
Ce second jeune homme a les yeux fiévreux. Un mouchoir bouche sa narine droite : ses saignements de nez intempestifs commencent à durer, "je ne comprends pas", s’inquiète-t-il. "Ça fait 15 jours que je suis ici, j’ai perdu du poids..." Il est allé à l’infirmerie, mais on ne lui a donné que du Doliprane, dit-il en montrant dans ses mains les comprimés.
D’autres retenus orientent vers un autre jeune homme. "Celui-là, c’est grave", glissent plusieurs voix. Celui-là, c’est R., visage très mince, t-shirt rouge et casquette sur la tête. Il veut à tout prix montrer son dossier médical pour prouver ses dires : il a la tuberculose. "Avant, j’allais à l’hôpital pour ça. Mais ici, il n’y a pas de médecin. Hier, j’ai craché du sang."
Un malade du VIH sous la menace d’une expulsion
Dans ce hall qui précède l’étroite enfilade des chambres du CRA, ces voix s’entremêlent à bien d’autres. Chacun veut témoigner. Tous ont le visage marqués par un mélange de stress et d’épuisement. Les paroles sont pressées, les histoires égrenées en quelques secondes, avant que les policiers surveillant la scène ne referment les portes.
La brèche a été ouverte par une visite de quatre parlementaires - Sandrine Rousseau (EELV), Raymonde Poncet (EELV), Danielle Simonnet (LFI) et Andy Kerbrat (LFI), ce jeudi 15 septembre. Une visite qui avait pour origine un cas particulièrement problématique d’accès aux soins. (...)
L’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), qui réunit plusieurs associations parmi lesquelles Act-Up Paris, le COMEDE (Comité pour la santé des exilés), ou encore Médecins du Monde, a donné l’alerte et monte au créneau. (...)
L’homme est retenu au CRA de Paris-Vincennes depuis le 17 août. Il se trouve à un "stade avancé" de son affection au VIH et "son pronostic vital serait engagé en cas de renvoi en Guinée", affirme l’ODSE dans un communiqué.
Or, le médecin de zone de l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration), chargé d’examiner une demande de protection contre l’éloignement sur le cas de ce Guinéen, a rendu un avis négatif. Autrement dit, il considère que la Guinée Conakry assurerait une prise en charge suffisante du VIH. Le retenu demeure donc sous la menace d’une expulsion.
Santé mentale, hépatite B, VIH : vers une baisse de la protection (...)
Dans le CRA de Paris-Vincennes, "les avis rendus par le médecin de zone de l’OFII sont quasi systématiquement négatifs", soupire Mathilde Buffiere, responsable du service rétention du Groupe SOS Solidarités-ASSFAM, l’association d’aide juridique qui intervient dans le centre. Surtout, elle relève l’arbitraire de ces décisions (...)
L’arrêté du 5 janvier 2017 en question
Le 9 septembre, les associations ont saisi le ministère de la Santé et le ministère de l’Intérieur de la situation. Pour l’heure, pas de retour. Les associations et les parlementaires demandent au ministère de la Santé de faire appliquer la loi : à savoir, l’arrêté du 5 janvier 2017 qui encadre la pratique des médecins de l’OFII.
Cet arrêté, "c’est un peu la garantie que la lutte contre le sida soit garantie malgré le transfert de compétences" des ARS à l’OFII, explique François Emery, chargé de plaidoyer pour Act-Up Paris. L’arrêté affirme ainsi que "dans l’ensemble des pays en développement, il n’est pas encore possible de considérer que les personnes séropositives peuvent avoir accès aux traitements antirétroviraux ni à la prise en charge médicale nécessaire". L’avis médical délivré par le médecin de l’OFII de Paris-Vincennes irait donc à l’encontre de ce texte. (...)
Les parlementaires en visite ce jour-là craignent, eux, que la prochaine loi asile et immigration annoncée par le gouvernement ne soit l’occasion de faire sauter les garde-fous que contenait jusqu’ici cet arrêté de 2017.
"J’ai demandé à voir un psychologue, mais il n’y a personne ici"
Au quotidien, dans le CRA de Paris-Vincennes, une unité médicale, plus couramment appelée infirmerie, fonctionne 20 heures sur 24. "Nous aimerions passer à du 24 heures sur 24, pour le soutien psychologique et pour nous assurer de l’état de santé des retenus", assure le commandant du CRA, Jean-Michel Clamens. Il explique également qu’une psychologue est en cours de recrutement.
"Je deviens malade dans ma tête", glisse A., au milieu du petit hall qui donne sur le couloir des chambres, dans le CRA 1. "J’ai demandé à voir un psychologue, mais il n’y a personne ici." La souffrance psychologique revient sans cesse dans les paroles des retenus. (...)
le dernier rapport de La Cimade sur les lieux de rétention recense 63 certificats d’incompatibilité délivrés par l’unité médicale du CRA de Paris-Vincennes sur l’année 2021. Or, sur ces 63 cas, seules 14 personnes ont été libérées par le juge. "Les étrangers malades constituent ainsi encore une large part des personnes retenues au CRA de Paris-Vincennes", conclut La Cimade.