Dhaka, la capitale du Bagladesh, abrite un des endroits les plus pollués au monde : Hazaribagh. Pour cause, 95 % des tanneries bangladaises se situent dans ce quartier et ses alentours. Chaque jour, des milliers de litres de déchets hautement toxiques sont déversés dans la rivière Buriganga pour produire nos vêtements. Pascal Mannaerts nous présente aujourd’hui un reportage photo réalisé à Hazaribagh : des images poignantes montrant le quotidien des habitants de cette région et les conditions de travail abjectes dans les tanneries bangladaises.
Plus de 75 000 habitants vivent dans le quartier d’Hazaribagh et la plupart d’entre eux – adultes comme enfants – travaillent dans les usines et les tanneries. Le tannage (la transformation de peaux d’animaux en cuir) – plus particulièrement lorsque celui-ci est réalisé avec des techniques obsolètes comme c’est souvent le cas au Bangladesh – inclut de nombreux traitements chimiques et génère une quantité conséquente de déchets dont la toxicité est dangereuse aussi bien pour l’environnement que la santé humaine
la contamination des sols constitue toujours une menace pour la qualité des eaux se trouvant dans les nappes phréatiques.L’exportation du cuir du Bangladesh est une industrie de 1 milliard de dollars par an, selon le Bureau de promotion des exportations du Bangladesh. L’amélioration de la qualité et les prix compétitifs ont attiré de plus en plus d’importateurs, principalement européens et asiatiques. 80 pour cent de la production de cuir du pays est exportée, principalement vers la Chine, la Corée du Sud, le Japon, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et les Etats-Unis.(...)
Le chrome est considéré comme étant un cancérogène certain pour l’Homme. Pourtant, les travailleurs des tanneries d’Hazaribagh vivent au-dessus de ruisseaux et canaux pollués, sans oublier la pollution de l’air environnante, causée par le brûlage des morceaux de cuir par les recycleurs informels. Ainsi, les habitants du quartier souffrent pour beaucoup de pathologies respiratoires et d’affections de la peau, mais aussi de brûlures d’acide, d’étourdissements et de nausées. (...)
Selon le rapport 2012 de l’ONG Pure Earth (à l’époque nommée Blacksmith Institute), qui combat la pollution dans les pays en voie de développement, les tanneries font partie des dix industries les plus toxiques à l’échelle mondiale. Au-delà de la catastrophe environnementale et sanitaire que le cuir représente, sa production est également synonyme de souffrances animales incommensurables dénoncées notamment par l’association de protection des animaux PETA : « Alors que la plupart des gens ne se verraient pas porter de la vraie fourrure, le cuir provient aussi d’animaux tués cruellement pour leur peau. ». La cruauté dans laquelle baignent les élevages industriels ne date pas d’hier et commence peu à peu à toucher l’opinion publique au vu des nombreuses révélations de ces dernières années.(...)
Un grand nombre d’enfants travaillent dans les tanneries. Ils ont parfois seulement 11 ans. Ils y accomplissent des travaux dangereux, tels que l’immersion des peaux de bêtes dans des produits chimiques, la découpe des peaux tannées, notamment avec des lames de rasoir, et l’utilisation de machines dangereuses. (...)
Sans surprise, le Bangladesh abritant l’une des mains d’oeuvre les moins chères au monde, le dogme de la concurrence et la quête de rentabilité font de l’Occident un participant actif au désastre sanitaire et environnemental dans lequel baignent les bangladais vivant à Hazaribagh… et pas seulement. (...)
Précisons ici qu’en à peine quatre jours, le PDG de l’une des 5 marques les plus importantes du secteur textile à l’échelle internationale, gagne autant qu’une ouvrière bangladaise travaillant dans la confection au cours de sa vie entière. (...)