
Grâce à une mobilisation téléphonique et à une Zad, les opposants au « grand contournement ouest » de Strasbourg viennent de réussir à suspendre les travaux préparatoires de cette autoroute. Une manifestation se déroule à Strasbourg ce samedi.
Jeudi 21 septembre 7 h 04, des dizaines de téléphones vibrent à Strasbourg et dans des villages de ses environs : « Alerte Kolbsheim ! Merci de vous rendre rapidement à Kolbsheim. Ils ont besoin de vous... La cavalerie est là. Ne répondez pas à ce message. » Dans ce petit village à 15 kilomètres de Strasbourg, la pasteur fait sonner les cloches depuis 6 h 50.
Ce système d’alerte, dont le nombre de contacts est tenu secret, fonctionne à plein pour la première fois.
Des riverains, opposants et journalistes sont dans la boucle et l’info se propage. Si bien que, vers huit heures, une cinquantaine de personnes des villages environnants et de Strasbourg afflue en lisière de la forêt. Certains s’interposent entre le bois et des machines venues procéder à un déboisement. Il s’agit de la deuxième phase des travaux préparatoires du « grand contournement ouest » (GCO) de Strasbourg, une rocade payante de 24 kilomètres autour de Strasbourg, dont les prémices remontent aux années 1970. (...)
C’est la première fois qu’une confrontation directe se produit. Après une phase dans les champs sans anicroche pendant l’hiver, les déboisements sont les premiers effets irréversibles de l’autoroute. Ces sondages géotechniques et archéologiques dans des zones avec espèces protégées ont bien été autorisés par dérogation, en attendant les compensations naturelles lors des vrais travaux, qui nécessitent pour leur part encore des autorisations. (...)
Vinci était dans son bon droit, mais à la mi-journée, fin de crise. Le maire de Kolbsheim, Dany Karcher, opposant notoire, annonce au mégaphone que les machines vont repartir. La suite du dossier se jouera vraisemblablement à Paris, dans les ministères. La mobilisation, ce jeudi 21, a remporté un succès. (...)
Dans cette prospère campagne alsacienne, peu habituée aux soulèvements et à la contestation, la lutte s’organise de manière protéiforme. Dans la clairière, une zone à défendre (Zad) s’est formée à l’été avec l’accord du propriétaire d’un moulin classé, que va frôler un remblai d’une quinzaine de mètres. Seule une dizaine de personnes y réside, mais elle joue un rôle de sentinelle.
Un de ses habitants, Yoam Galima, avait repéré les machines. « Nous faisons des rondes à tour de rôle la nuit. Je prenais ma garde à 6 h et je me suis retrouvé face aux engins. Je suis retourné à la Zad quelques mètres plus bas pour donner l’alerte. »
L’opposition s’est sentie confortée par un avis négatif du Conseil national de protection de la nature (CNPN) rendu en juillet, sévère avec les compensations et certains points du projet, et qui a fuité dans la presse locale fin août. Si bien qu’il a été demandé à Vinci de revoir sa copie et de proposer un deuxième dossier. Hasard du calendrier, celui-ci a été déposé le jour de la suspension des travaux. Les scientifiques ne devraient pas se prononcer avant fin octobre.
Mais si les lignes ont bougé, c’est aussi du fait de la nouvelle députée de la circonscription bas-rhinoise, Martine Wonner. Néophyte en politique, elle a balayé la députée sortante, favorable au projet, dans un secteur où la droite avait remporté toutes les élections législatives de la Ve République. La nouvelle députée a promis lors de sa campagne de jouer un rôle de médiatrice, en s’inspirant de la méthode de Nicolas Hulot pour le cas de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. « Je ne suis ni avec les anti ni avec le pro », dit-t-elle. Mais elle veut que toutes les possibilités soient étudiées honnêtement. (...)
Selon le collectif, l’autoroute A35, qui transperce Strasbourg du nord au sud, est certes saturée, mais un contournement ne règle pas les problèmes d’accessibilité le matin et le soir provoqué par les travailleurs qui cherchent à accéder à la métropole. (...)
Il est désormais convenu que les travaux préparatoires ne reprendront pas tant que Nicolas Hulot, ministre de la Transition énergétique et tutelle de celle des Transports, Élisabeth Borne, ne se sera pas positionné sur le sujet. La reprise, la suspension ou l’abandon sont possibles. Tous les avis et éléments sont désormais sur le bureau du ministre.
Problème, les travaux préparatoires, estimés à plusieurs jours voire semaines ne peuvent être réalisés que jusqu’au 15 octobre. Après, il sera trop tard à cause de l’hibernation des chauves-souris. (....)
le dossier de concession prévoit que si l’autoroute ne se fait pas, l’Etat devra indemniser Vinci pour... près de 5 millions d’euros. (...)
Ce samedi 30 septembre, les opposants défileront à Strasbourg pour une manifestation plus classique. Les habitants de la Zad, ces opposants « nouvelle génération », participeront et organiseront un « festi’zad » tout le week-end pour accompagner l’événement. Un an plus tôt, environ 3.000 personnes battaient le pavé strasbourgeois. Désormais, la non-réalisation de l’autoroute est davantage probable, ce qui devrait pousser à la mobilisation, dans le but de se faire entendre jusqu’aux ministères parisiens.