
Revenu de base, revenu de vie ou allocation universelle... Et si chacun, indépendamment de son statut, de son âge ou de son activité, disposait d’un revenu garanti, de sa naissance jusqu’à la mort ? À première vue, l’idée paraît utopique et suscite de sérieuses interrogations. Pourquoi les familles riches en profiteraient-elles autant que les pauvres ? Cela va-t-il favoriser « l’assistanat » ? Comment le financer pour quels résultats ? Observer les expérimentations sociales réalisées à travers le monde tend à renverser les idées reçues.
(...) De Milton Friedman à James Tobin, l’idée d’un revenu minimum garanti suscite l’intérêt de nombreux économistes depuis quarante ans, mais n’a jamais vraiment été appliquée, à part sous la forme de programmes expérimentaux... mais néanmoins riches d’enseignement. (...)
Malheureusement, l’idée ne convainc pas tout le monde : « La pression exercée par le Fonds monétaire international (FMI) n’est pas sans effet en Namibie », regrette Herbert Jauch. « Le FMI a présenté des chiffres erronés sur le coût du BIG. Il prend, par exemple, en compte les plus de 60 ans, alors qu’ils ne sont pas concernés par le BIG. Il craint que la Namibie démontre que le BIG fonctionne. Ce système deviendrait alors très intéressant pour des pays comme le Brésil et l’Inde. » (...)
Le Brésil, justement, montre également la voie, avec la très populaire Bolsa família (bourse famille), une prestation sociale qui vise à donner une bourse aux familles à bas revenu à condition que les enfants soient scolarisés. Le programme, introduit au Brésil depuis 2003 sous la présidence de Lula Da Silva, permet aujourd’hui à 12 millions de familles pauvres d’envoyer plus de 40 millions d’enfants à l’école.
Il ne s’agit ici que d’une forme détournée du concept du revenu de base puisque la Bolsa família est attribuée en fonction du revenu du foyer, contrairement au revenu de base testé en Namibie. Mais l’expérience démontre cependant la pertinence de l’approche du revenu universel : un approche incitative plutôt que coercitive, et universelle plutôt que conditionnelle. (...)
Des expériences de ce type ont aussi été menées au Canada et aux États-Unis. Elles tendent à montrer que les effets de telles mesures sont également bénéfiques dans des sociétés plus développées. (...)
À de nombreux égards, les expériences namibiennes, américaines, canadiennes et brésiliennes sont intéressantes. Mais quand il s’agit d’en tirer des conclusions, les biais méthodologiques demeurent un obstacle. Même les personnes convaincues par la pertinence du revenu de base se veulent prudentes : « Il serait hasardeux de les transposer directement dans le contexte français », indique l’économiste Marc de Basquiat, chercheur de longue date sur l’allocation universelle.
« Tant que ces expérimentations ne sont pas faites sur le territoire dans lequel on envisage une mise en œuvre, elles sont moyennement pertinentes car le contexte culturel et historique est très différent », prévient Baptiste Mylondo, auteur de Ne pas perdre sa vie à la gagner. C’est pourquoi, avec le collectif Pour un revenu social (PouRS), il tente de convaincre des collectivités locales de travailler avec des chercheurs pour réaliser des expérimentations similaires afin d’observer ce qu’il se passerait en France.
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