Les accusations à l’encontre d’Asia Argento, figure du mouvement #MeToo, n’abîmeront pas un mouvement d’une telle ampleur si l’on est cohérent avec la ligne défendue : lutter contre toutes les agressions sexuelles.
« L’arroseuse arrosée », « Tel est pris qui croyait prendre »… Aucun poncif ne nous aura été épargné immédiatement après les révélations du New York Times à propos d’Asia Argento.
Cette dernière, qui figure parmi les accusatrices d’Harvey Weinstein, est à son tour accusée d’agression sexuelle. Le quotidien américain fait état d’un arrangement financier conclu entre un jeune acteur et Asia Argento, à hauteur de 380.000 dollars (333.000 euros) pour éviter des poursuites judiciaires.
L’ affaire, et c’est normal, a suscité de multiples réactions. Allant de l’étonnement le plus simple à, et c’est là que ça devient moins normal, des séries de tweets réjouis. Oui, des gens (Franz-Olivier Giesbert et bien d’autres) semblent parfaitement enchantés par cette révélation, franchement ravis qu’une personne ait été agressée sexuellement. (...)
Pas un mot pour la victime présumée, le jeune Jimmy Bennet dont le New York Times rapporte pourtant l’état de détresse. Mais des petits sourires satisfaits à l’idée qu’une féministe ait pu exercer sur un jeune garçon la domination qu’elle prétend combattre. Et on fait semblant de découvrir que l’on peut être victime ET bourreau, et qu’il est possible de lutter publiquement contre quelque chose dont on est soi-même coupable (souvenez-vous de Denis Baupin, les lèvres peinturlurées en rouge pour soutenir les droits des femmes).
Mais oui, en effet, on peut être profondément surpris et écœuré par ce qui pourrait être un véritable coup de théâtre (allez hop un autre poncif tant qu’à faire) sans être ni misogyne, ni faussement naïf, ni vouloir danser sur la tombe de #MeToo.(...)
Il faut avoir l’honnêteté de dire que si le mouvement #MeToo peut être décrédibilisé, cela peut aussi se faire de l’intérieur.
On ne sort pas grandies quand on arbore des airs vaguement complotistes en affirmant que les révélations du New York Times « [tombaient] bien pour décrédibiliser ces femmes qui dérangent ». Cela revient là aussi à adopter exactement les mêmes mécanismes que ceux que #MeToo est censé combattre : minimiser les agressions, mettre en doute la parole de la victime, héroïser l’agresseur présumé. (...)
#MeToo a pris une telle ampleur que l’on peut parfaitement continuer à mener le combat sans égérie. Les combats féministes sont trop vastes et importants pour prendre le risque de les lier à quelques têtes de gondoles