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les dessous de Bruxelles
Rigueur et compétitivité : un cocktail toxique pour l’Europe
Article mis en ligne le 19 mars 2014
dernière modification le 15 mars 2014

Depuis l’éclatement de la crise, les gouvernements européens et la Troïka (la commission européenne, la BCE et le FMI) mettent en œuvre, de manière plus ou moins violente selon les pays, un « cocktail » de mesures bien établi : avec d’une part des coupes budgétaires dans les dépenses sociales (austérité), de l’autre des politiques au service des multinationales et investisseurs privés (compétitivité). Mais ces mesures suscitent de fortes résistances sociales dans de nombreux pays européens.

En Europe, le rouleau compresseur des « réformes » néolibérales est placé sous le signe de TINA, le petit surnom de Margaret Thatcher : There Is No Alternative (« il n’y a pas d’alternative »). Le programme des gouvernements, qu’ils soient conservateurs ou sociaux-démocrates, y est partout le même : austérité, compétitivité. Un dogme scandé à longueur de journée dans les médias, et ce malgré ses résultats catastrophiques : aggravation du chômage, de la crise économique, tensions sociales… à quoi s’ajoute le retour en force de l’extrême-droite.

Et pourtant, les alternatives existent. D’importants mouvements sociaux se lèvent en Europe depuis les pays les plus touchés par la crise, qui contestent les privatisations, les reculs sociaux, la mise en pièce de la société et de la nature par le rouleau compresseur néolibéral. Ces luttes se multiplient, et tentent de se coordonner au plan européen pour faire émerger un autre projet de société, mettant les besoins écologiques et sociaux de tous avant les profits d’une minorité. Voici une petite revue des enjeux des politiques menées actuellement en Europe ainsi que des nécessaires résistances sociales.

Quand la compétitivité intoxique la société

« Compétitivité », le mot est sur toutes les lèvres. C’est le seul horizon proposé par les partis politiques sociaux-démocrates, de droite ou d’extrême-droite pour des « lendemains meilleurs ». Le principe ? Les pays européens étant en concurrence, plongés qu’ils sont dans la compétition mondiale, ils doivent attirer les capitaux et doper leurs entreprises pour garantir un niveau d’emploi élevé.

Ainsi d’une part, puisque les capitaux circulent librement, les gouvernements doivent se plier aux diktats des investisseurs : fiscalité aux petits soins, normes environnementales au rabais, droits sociaux à la baisse, privatisations. De l’autre, ils doivent « doper leurs entreprises » en supprimant les « entraves » au business et à l’export : cela suppose notamment de baisser les salaires, de supprimer certains droits des travailleurs. Les employeurs, eux, bénéficient de faveurs : abattements fiscaux, réductions de cotisations sociales, etc. Des faveurs dont le coût sera financé par l’augmentation des taxes sur la consommation comme la TVA qui touchent plus directement les couches moyennes ou populaires.

De telles mesures se sont multipliées en Europe du Nord comme dans les pays du Sud dont certains sont sous la tutelle économique de la Troïka. (...)

Mais la compétitivité n’est pas qu’une affaire fiscale ou sociale. En Grèce et en Roumanie, des mines d’or ont rouvert malgré les conséquences dramatiques pour l’environnement (avec déversement de cyanure en quantité). Partout en Europe, les lobbies de l’industrie extractive se mobilisent pour faire autoriser l’extraction de gaz de schistes malgré les dangers notoires associés à cette pratique (et dont la Pologne, fer de lance de l’exploitation du gaz de schistes en Europe, subit aujourd’hui les conséquences).

Le désir inconséquent d’attirer les grands investisseurs à tout prix conduit les décideurs européens, nationaux et locaux à multiplier les privatisations. Les services publics locaux, comme les régies de l’eau, sont confiés au privé avec pour conséquence des tarifs explosent pour les consommateurs, comme en Grèce. La « séduction » des investisseurs passent aussi par des grands projets inutiles, comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou la ligne de chemin de fer Lyon-Turin. Des projets au plus grand bénéfice du privé, dont l’utilité sociale est négligeable par rapport aux coûts économiques et environnementaux.

L’université et la recherche n’y échappent pas : elles doivent, elles aussi, se soumettre au dogme de la compétitivité. La stratégie « Europe 2020 » adoptée par l’Union européenne stipule que l’université doit permettre de former une main d’œuvre adaptée aux demandes du marché du travail, c’est-à-dire des entreprises. La commission en appelle même à enseigner « l’esprit d’entreprise » dès le plus jeune âge. La recherche doit, elle, se focaliser sur l’« innovation », et donner aux entreprises européennes des avantages compétitifs.

L’accord commercial anti-contrefaçon (mieux connu sous le terme ACTA) s’inscrit dans la même logique (...)

La négociation d’un accord transatlantique entre l’Union européenne et les Etats-Unis, qui a débuté en aout 2013, se situe lui aussi pleinement dans la rhétorique de la compétitivité. Pour l’emploi, donc pour la croissance et la compétitivité de l’industrie européenne, il s’agit de supprimer les « barrières » au commerce et à l’investissement que constituent les normes sanitaires, écologiques, sociales.

L’austérité : une catastrophe économique et sociale

Les politiques d’austérité sont en quelques sortes le revers de la « compétitivité ». L’austérité consiste à multiplier les coupes dans les dépenses publiques afin de permettre que les budgets publics soient équilibrés. (...)

Une de causes profondes de cette fuite en avant à laquelle nous assistons en Europe faite de reculs sociaux et démocratiques, de destruction de la nature, est à bien des égards l’incapacité (voire l’absence de volonté) des dirigeants européens à s’opposer de manière frontale à la domination de la finance. (...)

La domination de la finance sur nos sociétés, et la radicalisation de l’agenda « austérité-compétitivité » ne sont pourtant pas inéluctables, loin de là ! Des propositions existent, pour mettre au pas la finance, et dégager des marges de manœuvres budgétaires pour promouvoir des politiques écologiques et sociales qui rompent avec la logique anti-démocratique de l’austérité-compétitivité.

De nombreux mouvements se sont développés partout en Europe qui portent ces alternatives. Ils ont montré que des victoires sont possibles : en Italie, en 2011, où un vaste mouvement citoyen a permis la tenue d’un référendum victorieux contre la privatisation de l’eau. Avec un slogan qui a visé juste : « Ça s’écrit EAU, mais ça se lit démocratie ! »

En Espagne, où le mouvement 15M et les « marées blanches » ont, il y a quelques mois, empêché la privatisation des hôpitaux à Madrid ; mais aussi en France et en Pologne, ou de vastes mobilisations ont empêché l’exploitation des gaz de schiste au mépris de la population et de l’environnement.

Sans oublier le mouvement contre l’ACTA, avec d’importantes mobilisations en République tchèque et en Pologne, les manifestations historiques en Grèce, au Royaume-Uni comme en Roumanie de ces trois dernières années. Et les insurrections civiques en Bulgarie ou en Bosnie, la récente manifestation à Berlin contre l’accord de libre-échange UE-US et l’agro-industrie ; les exemples ne manquent pas... Et l’espoir est encore permis !