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Rue89
Rire de soi a un prix. Voilà pourquoi Hannah Gadsby arrête l’humour
Par Henri Rouillier Publié le 10 juillet 2018
Article mis en ligne le 25 juillet 2019

Hannah Gadsby a décidé d’arrêter l’humour et a priori, il n’y a pas de raison pour que cette information modifie le cours de votre existence.

D’abord parce que vous n’avez probablement jamais entendu parler d’elle (elle est australienne), ensuite parce que vous vous dites peut-être qu’il y a trop de choses sur Netflix (c’est vrai) et que vous n’aurez pas le temps de tout voir (c’est vrai aussi).

Néanmoins, ce serait dommage (ou tragique, ou absurde) de passer à côté de "Nanette", son dernier one-woman-show. Parce que Hannah Gadsby a décidé d’arrêter l’humour justement, et que quelque part, ça vous concerne.

"Ce n’est pas de l’humilité, c’est de l’humiliation"

Elle a grandi en Tasmanie, cette "petite île qui flotte au cul de l’Australie", célèbre pour son "patrimoine génétique restreint". Une île qu’elle a fini par quitter en découvrant qu’elle était "un tout petit peu lesbienne", une île aussi où l’homosexualité n’a été dépénalisée qu’en 1997.

Dans "Nanette", Gadsby fait des blagues et des pirouettes sur son coming out et la réaction de sa mère ("Je n’ai pas besoin de savoir ça ! Toi, ça te ferait quoi si je te disais que j’avais commis un meurtre ? – Tu voudrais que ce soit juste une phase."), sur le drapeau LGBT ("qui fait mal aux yeux"), sur la Gay Pride australienne ("ces gens sont un peu agités"), sur ce type qui a "failli" la tabasser parce qu’il l’a prise pour un homme qui draguait sa copine à un arrêt de bus ("Oh désolé, je ne tape pas les femmes").

C’est drôle et corrosif et la salle rit aux éclats, la salle qui n’a pas encore compris que le piège de Hannah Gadsby s’est déjà refermé sur elle. Au bout d’une quinzaine de minutes, elle explique :

""Je pense qu’il est temps que j’arrête de faire de l’humour. Sérieusement, ce n’est probablement pas l’endroit idéal pour faire ce genre d’annonce, mais j’ai beaucoup réfléchi à ce métier et je ne me sens plus de le faire aujourd’hui. "

J’ai construit ma carrière sur l’autodérision et l’humour auto-dépréciatif, et je n’ai plus envie de ça. Est-ce que vous comprenez ce que signifie l’autodérision quand elle est produite par quelqu’un qui appartient déjà aux marges de la société ? Ce n’est pas de l’humilité, c’est de l’humiliation. Je me rabaisse pour avoir le droit de parler, pour obtenir le droit de parler. Je refuse de me plier à cela désormais."

En quelques secondes, Hannah Gadsby fait de son spectacle une performance artistique au sein de laquelle le rire est analysé comme le produit d’une obscénité, à savoir l’invisibilisation des traumas, le travestissement de la vérité. (...).

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