
Pour l’ancien président de Médecins sans frontières professeur de relations internationales à Sciences-Po Paris, l’ONU est aujourd’hui un outil obsolète pour résoudre des crises politiques mais reste un instrument nécessaire dans le cadre de l’aide humanitaire.
Selon vous, de quelle marge de manoeuvre dispose l’ONU dans le conflit israélo-palestinien ?
RONY BRAUMAN Si les Nations unies étaient une assemblée démocratique, l’État palestinien existerait depuis longtemps. C’est le directoire qui contrôle l’ONU, c’est-à-dire les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Or, ce que l’on peut constater aujourd’hui, c’est un affaiblissement général de chacun de ces membres dans un contexte international d’érosion des États-nations, donc d’un affaiblissement de l’ONU. Les efforts de fermeté de Ban Ki-moon à l’égard d’Israël sont sans doute louables. La reconnaissance par les Nations unies du statut spécial d’État observateur pour la Palestine aussi. Mais je ne crois pas que l’ONU ait les moyens de ses ambitions pour défendre l’idée d’un État palestinien. Ce qui est négatif pour les Palestiniens qui, me semble-t-il, se situent plus dans une logique de reconnaissance de leurs droits civiques que dans un combat nationaliste.
Par ailleurs, les deux grandes négociations de ces vingt dernières années, Oslo et de Camp David-Taba, se sont tenues en dehors du cadre des Nations unies.
Mais ces deux signatures n’ont abouti à rien. Ne faut-il pas au contraire renforcer les capacités de l’ONU pour faire que les résolutions soient respectées par les États membres ?
RONY BRAUMAN Peut-être, oui. D’ailleurs un tribunal était prévu à cet effet dans la charte des Nations unies. Mais quel État est capable de donner de la consistance à ces objectifs ? (...)
Mais tout n’est pas désespérant. Des contingents des Nations unies ont sauvé des vies. On peut compter les cadavres mais pas les vies sauvées. Je n’accablerais pas les Nations unies sur ce terrain-là. Mais je reste critique. Je trouve par exemple que l’Organisation mondiale de la santé (qui est une agence de l’ONU – NDLR) a été d’une lenteur incroyable concernant l’épidémie d’Ebola. Ce n’est pas un hasard. L’appauvrissement de l’OMS et sa mise sous la coupe réglée des grandes compagnies pharmaceutiques sont à l’origine de cette faible réaction. (...)