
Le ministère britannique de l’Environnement (Defra en anglais) a autorisé, le 2 février 2017, le centre de recherche Rothamsted à expérimenter en champ un blé transgénique, génétiquement modifié afin d’améliorer la photosynthèse et donc d’augmenter les rendements. Un essai voué à l’échec ?
La modification consiste à introduire dans le génome d’une variété de blé (Cadenza) des gènes d’une graminée sauvage, le brachypode (Brachypodium distachyon). Cette dernière serait plus efficace que d’autres plantes pour convertir l’énergie solaire en biomasse (photosynthèse). En tout cas, c’est ce que les chercheurs de ce centre, financé en partie sur fonds publics, affirment avoir montré en serre. Toujours selon les chercheurs en charge du projet, le blé ainsi modifié produirait plus de grains (de l’ordre de 40%) que le blé témoin non transgénique. En effet, dans une vision mécaniste du vivant, la chercheuse Christine Raines explique que « l’une des étapes de la photosynthèse passe par le rôle d’une enzyme, l’enzyme sedopheptulose-1,7 bisphospatase (SBPase). Nous avons donc modifié des plants de blé pour qu’ils produisent plus de SBPase en introduisant les gènes de Brachypodium ». Le but de cet essai en champs est donc de « valider » ces résultats préliminaires. (...)
Depuis plus de 20 ans, des milliers d’essais en champs de plantes transgéniques ont été implantés, mobilisant des deniers publics et privés considérables et au final, la plupart des « espoirs » n’ont pas été concrétisés.
Là encore, sans vouloir être défaitiste, nous pouvons légitimement nous demander si l’échec n’est pas écrit dans le projet lui-même. Comment imaginer en modifiant l’expression d’une seule enzyme créer une plante plus productive ? Ne faudrait-il pas reprendre le chemin de l’école paysanne et travailler sur une vision écologique et systémique ? L’histoire humaine nous raconte l’histoire d’une sélection qui a réussi, d’une sélection lente, basée sur des observations concrètes dans des champs cultivés… Le blé n’était qu’une graminée sans intérêt, et ce sont les paysans qui l’ont transformée, adaptée, pour qu’elle devienne cet aliment. Une plante co-évolue avec son environnement, avec les parasites et les auxiliaires, avec les adventices et les haies, avec les pratiques et les besoins humains.
Changer de paradigme
Et plus fondamentalement, les chercheurs nous expliquent qu’un rendement en blé plus élevé permettra de « lutter contre la faim dans le monde » : « assurer la sécurité alimentaire est un défi majeur du fait de la nécessité d’augmenter la production mondiale de nourriture de 40% dans les 20 prochaines années et de 70% en 2050 pour neuf milliards d’humains », affirme l’organisme de recherche. Las, répétons à nouveau qu’actuellement plus de 50% de la nourriture produite est gaspillée… Et répétons encore que les personnes qui souffrent de la faim sont celles qui n’ont pas accès au marché… (...)