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Royaume-Uni : Working class zero
Article mis en ligne le 27 juillet 2015
dernière modification le 23 juillet 2015

Le must de l’économie dérégulée ? Le « zero hour contract » (contrat « zéro heure ») britannique, qui prive 700 000 salariés britanniques de la garantie d’une durée minimale de travail. Le mythe de la flexibilité, répété à l’envi par les élites politiques, entretient une régression sociale que le nouveau gouvernement Cameron soutient avec une poigne de fer. Zéro… pointé !

« Ce mois-ci, je dois choisir entre payer mon loyer et ma facture d’eau. » La ligne téléphonique pourrie qui vous relie à Fran, 25 ans, a au moins laissé sa colère intacte. C’est que la serveuse d’un de ces innombrables bars du quartier étudiant de Manchester, nord-ouest de l’Angleterre, est enchaînée depuis six mois à son contrat zéro heure, sans garantie de salaire fixe. Six mois de négociations permanentes avec son patron « pour demander plus d’heures » et voir s’évanouir, au bout du compte, la vie promise aux « gens qui travaillent dur » par les élites politiques de tous bords. Au XIXe siècle, les dockers londoniens attendaient chaque matin qu’un contremaître les fasse décharger les marchandises ; Fran, elle, attend chaque semaine le coup de fil qui l’enverra au turbin. « Il me faut entre 20 et 30 heures par semaine pour tenir, ajoute-t-elle. En dessous, ça devient quasi impossible. C’est très stressant, je me bats chaque semaine avec mon manager pour arriver, à la fin du mois, à payer mon loyer. » (...)

Le patronat peut donc disposer d’une main-d’œuvre exploitable à merci, et le salaire minimum (6,5 livres de l’heure, soit environ 9 euros) s’est généralisé en norme avec les contrats zéro heure. Sans compter que ni les congés payés ni les indemnités en cas de maladie ne sont garantis. Jack, lui, estimait être « bien payé  ! 8 livres de l’heure… Mais pendant mon contrat, j’ai été hospitalisé 4 jours et je n’ai reçu aucune rémunération. Après ça, ils ont refusé de me faire revenir pendant quinze jours pour des questions d’assurance. Disgusting. »

Qu’importe  ! La machine politico-médiatique persiste à remercier l’extrême flexibilité du travail pour avoir accéléré la chute du chômage à 5,7 % (...)

En mai dernier, un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) démontrait le poids écrasant des contrats précaires dans la chute du chômage britannique, et leur impact sur la polarisation des revenus qui fait, petit à petit, disparaître la classe moyenne. La récente réélection des conservateurs, désormais débarrassés de leurs partenaires de coalition libéraux démocrates, a réduit à néant tout espoir de contrôle des contrats zéro heure. (...)

« les contrats zéro heure sont plus inflexibles qu’aucun autre contrat, affirme Fran, la jeune serveuse de Manchester. C’est-à-dire que tu ne peux rien prévoir à l’avance, ni un week-end, ni tes vacances, parce que tu dois être disponible 7 jours sur 7. C’est scandaleux que les politiciens répètent que cette pseudo-flexibilité avantage les employés : c’est exactement l’inverse. (...)

Alors que les conservateurs s’apprêtent à réduire les dépenses sociales de 12 milliards de livres d’ici 2018, une enquête de l’association Citizens Uk démontrait en avril dernier que la culture du bas salaire fait débourser chaque année 11 milliards de livres à l’État en allocations de travail. La violence déployée à l’encontre des classes populaires et les privilèges accordés aux plus riches sont quotidiennement masqués derrière la « lutte contre la fraude aux allocations sociales » et un discours politique de plus en plus xénophobe. Cinq années supplémentaires de gouvernement Cameron, tout aussi radical que la Dame de fer, n’augurent rien de moins qu’une catastrophe sociale organisée.