
Selon deux rapports rendus publics ce vendredi, de nombreux demandeurs d’asile mineurs sont en danger au Royaume-Uni, car traités à tort comme des adultes.
Afran*, un jeune kurde, est parti d’Iran. Après un trajet d’un mois à travers l’Europe, il est arrivé au Royaume-Uni en 2022 à bord d’un petit navire sur lequel il a traversé la Manche. Lors de son arrivée à Douvres, les autorités l’ont envoyé dans un centre pour adultes, ne croyant pas le jeune homme affirmant qu’il avait 17 ans. Après deux semaines passées dans ce centre et la mobilisation d’associations, Afran a été reconnu comme mineur et pris en charge par les services de l’enfance britannique.
Ahmed*, lui aussi, est arrivé par bateau à Douvres. Sans papier d’identité, il a été considéré comme un adulte de plus de 25 ans par les agents de l’immigration et placé dans un hôtel avec d’autres hommes majeurs. Mais après une évaluation, il a finalement été reconnu comme un mineur de 17 ans et envoyé aux services compétents.
Dans les centres pour adultes, les jeunes demandeurs d’asile sont souvent victimes de "maltraitance et de négligence". "J’ai été victime d’intimidation et un adulte a dormi dans mon lit. J’ai été forcé de dormir par terre dans la même pièce que cette personne. J’étais sous la menace constante de sa part", a témoigné le premier auprès de l’unité d’aide à l’immigration du Grand Manchester (GMIAU). "Je reste dans ma chambre. Je ne me sens pas à l’aise, j’ai peur. À l’hôtel, je me retrouve dans une mauvaise situation", a raconté le second au Conseil des réfugiés.
Des chiffres sous-estimés (...)
ces situations sont loin d’être inédites au Royaume-Uni, illustrent deux rapports du Conseil des réfugiés et du GMIAU publiés ce vendredi.
Selon le Conseil, sur un échantillon de 141 dossiers de demandeurs d’asile considérés comme adultes - et donc non évalués par des travailleurs sociaux - étudiés en 2021, "94 % ont été jugés à tort comme adultes". Ils avaient été envoyés dans des centres d’hébergement pour adultes avant que le Conseil ne soit alerté. "Sans accès à un soutien ou à l’éducation", ajoute l’association.
Et selon des données récupérées auprès d’une soixantaine d’autorités locales, une ONG de défense des droits de l’Homme affirme qu’en 2021, sur 450 jeunes dont l’âge était contesté par le ministère de l’Intérieur, les trois quarts se sont révélés être des mineurs. (...)
Déjà sous-évaluée, la proportion de mineurs déclarés comme adultes tend à augmenter, selon le Conseil des réfugiés. En cause ? Une réforme mise en place en janvier dernier. Auparavant, un demandeur d’asile pouvait être considéré comme un adulte par un agent de l’immigration s’il semblait "avoir plus de 25 ans". Dorénavant, si la personne parait "de manière significative avoir plus de 18 ans", elle peut être considérée comme adulte dès son premier contact avec les autorités anglaises. La nouvelle législation entérine également la création d’un Conseil national d’évaluation de l’âge composé de ses propres travailleurs sociaux. (...)
Les organisations réclament donc une réforme, ou tout simplement l’arrêt, de la politique de détermination de l’âge sur la base de l’apparence physique. (...)
le Conseil des réfugiés recommande la publication de statistiques plus détaillées, l’annulation des procédures d’interdiction de territoire aux personnes dont l’âge est contesté ou encore de laisser les travailleurs sociaux superviser les évaluations. Pour finir, elle propose qu’un comité indépendant tel que l’Ofsed - un organe de contrôle du domaine éducatif et de l’enfance - soit chargé d’évaluer les précédentes affaires au Royaume-Uni.
De son côté, le GMIAU va plus loin et réclame des investigations. "Il doit y avoir une enquête sur les raisons pour lesquelles des centaines d’enfants ont été traités à tort comme des adultes par le ministère de l’Intérieur au cours de la dernière année”, indique l’organisation. (...)
"Nous sommes très inquiets que des enfants soient envoyés au Rwanda, ce qui aura des conséquences dévastatrices pour les jeunes qui ont déjà tant souffert", a déclaré Enver Solomon, PDG du Conseil des réfugiés.
"Les évaluations de l’âge sont difficiles"
"Lorsqu’il s’agit d’enfants, le plus haut niveau de protection doit s’appliquer. (...)