Le Portugais a révélé les bas-fonds des contrats des stars du ballon rond et, dernièrement, les détournements de fonds d’Isabelle dos Santos, la femme la plus riche d’Afrique. La justice portugaise, qui l’a emprisonné, lui refuse pourtant le statut de lanceur d’alerte.
Si un jour Isabelle dos Santos, la femme la plus riche d’Afrique, accusée d’avoir siphonné les caisses de l’Angola, finit en prison, elle le devra à Rui Pinto. Lundi 27 janvier, le Portugais, de 30 ans, a révélé être à l’origine des « Luanda Leaks », qui valent à la fille de l’ancien président Jose Eduardo dos Santos d’être poursuivie pour fraude et détournement de fonds par la justice angolaise. (...)
Cristiano Ronaldo épinglé
L’homme, au visage poupon et aux cheveux dressés sur la tête, est un récidiviste. C’est lui qui, en 2016, avait transmis à l’hebdomadaire allemand Der Sipegel 18,6 millions de documents confidentiels révélant les bas-fonds du football business : évasion fiscale, sociétés-écrans, comptes offshore. Ce qui a notamment contraint le Portugais Cristiano Ronaldo, quintuple Ballon d’or, à rembourser 18,8 millions au fisc espagnol en 2018. (...)
Lanceur d’alerte exceptionnel », selon son avocat, Me William Bourdon, Rui Pinto moisit pourtant depuis neuf mois, dans une prison de Lisbonne, après avoir été arrêté à Budapest.
Pinto encourt vingt-cinq ans de prison. « Il ne pourra jamais être considéré comme un lanceur d’alerte », a estimé une juge d’instruction, le 17 janvier. Ce statut est réservé aux salariés qui révèlent les turpitudes de leurs employeurs. Pinto n’est qu’un pirate externe ». Et qu’importe s’il a accepté de fournir 12 millions de fichiers informatiques à la justice française… (...)
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Rui Pinto est actuellement en détention provisoire au Portugal.
"Monsieur Rui Pinto assume la responsabilité de la remise (...), fin 2018, d’un disque comportant l’ensemble des données à l’origine des récentes révélations relatives à la fortune de Madame Isabel dos Santos", la fille de l’ex-président angolais, ont annoncé l’avocat français William Bourdon et son confrère portugais Francisco Teixeira da Mota.
Le Portugais de 31 ans "a souhaité ainsi favoriser la compréhension d’opérations complexes menées avec la complicité de banques et de juristes qui, non seulement appauvrissent le peuple et l’Etat d’Angola, mais sont également susceptibles d’avoir porté gravement atteinte à l’intérêt général du Portugal", ancienne puissance coloniale où Mme dos Santos a réalisé des investissements majeurs, ont-ils ajouté dans un communiqué.
Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a publié le 19 janvier une vaste enquête sur la base de quelque 715 000 documents baptisés "Luanda Leaks". Cette enquête accuse Isabel dos Santos d’avoir "siphonné l’économie angolaise" et accumulé de manière frauduleuse une fortune estimée à 2,1 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros). Ces données leur sont parvenues à travers la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF), présidée par Me Bourdon.
Enquête de la justice angolaise
Trois jours après la publication de cette enquête, la justice angolaise, qui avait déjà gelé les avoirs d’Isabel dos Santos en Angola depuis décembre 2019, a formellement accusé le 22 janvier la milliardaire et plusieurs de ses associés portugais de fraude, détournement de fonds et blanchiment d’argent.
Rui Pinto est actuellement en détention provisoire au Portugal, où il attend d’être jugé pour tentative d’extorsion et divers crimes informatiques liés aux fuites des "Football Leaks" organisées à partir de fin 2015.
Publiées en plusieurs volets par un consortium de médias européens, le European Investigative Collaborations (EIC), ces révélations avaient mis à nu des mécanismes d’évasion fiscale, des soupçons de fraude et de corruption mettant en cause joueurs vedettes et dirigeants de clubs. Ces informations ont permis aux autorités de plusieurs pays, dont la France, d’ouvrir des enquêtes sur des malversations présumées dans le milieu du football.
Peu après son arrestation en janvier 2019 à Budapest, où il résidait, Rui Pinto avait affirmé être en possession de six téraoctets de documents inédits.