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Slate.fr
Établissons le dialogue avec les hommes coupables de violences conjugales
Titiou Lecoq
Article mis en ligne le 6 septembre 2019

S’intéresser aux seules victimes ne permet pas de prendre le problème à bras-le-corps.

Oyez, oyez, braves gens. Écoutez le colporteur de nouvelles. Mais… attendez… de quoi nous parle-t-il ? De violences conjugales ? Chut… attendez… Qu’ouïs-je ? Fé-mi-ni... Féminicide ? Voilà qui me donnerait envie de danser la carmagnole. Toutes les radios, toutes les télés, presque toute la presse s’est emparée de ce terme qui jusqu’à présent était, ne nous voilons pas la face, cantonné à la sphère militante. Voudrait-ce dire que quelque chose frémit ? Après le burn-out de militantes féministes en fin d’année, voilà qui motive fichtrement.

Cette semaine, on a enfin entendu les victimes. Elles ont eu la parole. Même Emmanuel Macron les a écoutées au téléphone. C’est très bien. Je pense que reconnaître aux victimes leur statut de victime et leur offrir autre chose que des regards détournés de gêne est une étape nécessaire. (...)

On a besoin, collectivement, d’être sensibilisé à ces questions. On a besoin de connaître les mécanismes d’emprise. De comprendre que derrière les violences physiques qui sont au premier abord les plus terrifiantes, il y a les violences psychologiques non moins destructrices. On a besoin d’identifier tous les dysfonctionnements des institutions.

Tout cela, c’est très bien. Il y a quand même eu un grand absent. Ou plutôt de grands absents. Parce que, en vrai, ces femmes n’ont pas été victimes d’une maladie mystérieuse, d’un virus invisible. L’origine de leurs souffrances ne flotte pas, insaisissable, dans l’air. Je sais que c’est très désagréable à entendre et qu’on va me le reprocher, mais enfin… oserais-je le dire ? Elles sont victimes d’individus masculins. Des personnes en chair et en os qui ont totalement disparu dans cette séquence. C’est à peine s’ils ont été évoqués. (...)

On a l’impression que tout le monde connaît une femme victime de violence, mais que personne n’a croisé d’hommes responsables des coups portés. (...)

Il va nous falloir une véritable révolution intellectuelle, que nos cerveaux opèrent un virage à 180 degrés pour envisager les choses autrement. Les violences contre les femmes ne sont pas un problème de femmes. Oui, la plupart des militantes féministes et des membres des associations sont des femmes. Oui, les victimes sont des femmes. Mais en vérité, c’est un problème d’hommes. Le problème, c’est une certaine masculinité dominante. Le problème, c’est le pouvoir que ces hommes ne sont pas prêts à perdre. (...)

Une fois que l’on s’est intéressé aux victimes, ce qui est éminemment nécessaire et je pense que la préséance oblige à commencer par elles, il va falloir s’intéresser aux coupables. Les regarder en face. Les écouter. Leur parler. Comment déracine-t-on la violence ? Quelles mesures préventives peut-on prendre ? La tentation est grande de se dire que l’on a affaire à des monstres. Je suis contre la rhétorique du monstrueux. Elle paralyse la pensée –à moins de se dire que c’est en la société qui les produit.

On ne peut pas se contenter de mettre les femmes en sécurité. (...)

Pour affronter le problème en face, il va également falloir regarder ces hommes et tenter de comprendre, comme les spécialistes le font déjà. C’est désagréable, c’est dérangeant, c’est pénible. C’est la prochaine étape.