
Sixième hiver sous le régime de la crise obligatoire. Nos retrouvailles deviennent difficiles, la sociabilité est en berne, nos paroles tautologiques se mordent alors la queue. Tout aurait déjà été dit d’ailleurs à notre propos. La... grande Grèce majoritaire s’enfonce dans l’aporie et dans le désespoir. Le monde dit du travail, d’abord et surtout les salariés (rescapés ou non) du secteur privé, ce monde-là, a été largement et sciemment détruit le premier par les politiques des mémoranda.
Par une affiche récente, initiée par les “Syndicats de la presse et des métiers du papier”, c’est sous forme de caricature, qu’un certain Alexis Tsipras offre alors les... “Cadeaux de sa soumission au patronat” : “Privatisations, Défiscalisation, Le Moyen-âge pour ce qui est des conditions de travail”.
Un médecin généraliste d’un quartier d’Athènes, dont la convention a été dénoncée par simple... courrier électronique que le Ministère de la Santé (?) lui avait adressé il y a déjà plus d’un an, témoignait récemment dans un café du centre-ville de cette nouvelle clientèle... en patients, d’une sociologie alors bien... cadrée : “Ces patients, hommes et femmes, sont des anciens cadres ayant travaillé dans le privé. Ils en sortent choqués, car depuis six mois, depuis plus exactement la mise en place des contrôles des capitaux en Grèce, les patrons généralisent une pratique si bien connue. Ils poussent leurs cadres à démissionner, soit par la dégradation à outrance des conditions de travail, ou encore, par les violences et autres abus, visant directement le psychisme comme la déstabilisation des personnes. En même temps, ils licencient massivement le personnel dit ‘subalterne’, moins coûteux. C’est alors un vrai fléau, en plus... de celui des politiciens qui nous gouvernent”.
Des employés d’une entreprise de presse rencontrés dans un bistrot d’Athènes, ont raconté leur propre version du vécu de l’histoire présente, entre janvier et septembre 2015. (...)
“Ce phénomène, est le plus surprenant et le plus difficile à interpréter que bien d’autres. Il y a déjà le chômage, les emplois dits flexibles, le travail au noir, tout cela est parfaitement compréhensible et explicable dans des conditions de profonde récession et des politiques d’austérité initiées par le néolibéralisme”.
“Mais enfin, qu’est-ce qui fait que 1,2 million de travailleurs lesquels ne sont pas rémunérés par leurs patrons, continuent-ils pourtant à offrir leur travail tous les jours ? Car le travail non rémunéré, est devenu la nouvelle norme, comme il incarne probablement la rupture alors la plus profonde vis-à-vis du monde, tel que nous le connaissions depuis bien de décennies : la main-d’œuvre ainsi disposée par un employé, reçoit un salaire en retour”. (...)
“Maintenant, nous sommes confrontés à un phénomène nouveau, bien que paradoxale, découlant entièrement de cette nouvelle régularité de l’urgence : c’est de l’esclavage non rémunéré. Et à travers cette Grèce du mémorandum, on parle parfois de croissance... à retrouver, mais on parle moins du chômage et alors pratiquement jamais, du travail non rémunéré. Il faut dire aussi que non seulement il n’y a aucune révolte face au chômage, pis encore, on trouve normal de ne pas être payé lorsqu’on travaille.” “Le chiffre semble irréaliste : les travailleurs non rémunérés sont de l’ordre d’un million (1.000.000), selon le ministère du Travail, ou de 1.200.000, d’après l’Institut du travail de la Confédération des Travailleurs Grecs (GSEE). Ainsi, les deux tiers parmi ceux qui ont encore un emploi dans le secteur privé, subissent un retard de paiement de leur salaire. Deux patrons sur trois pratiquent ainsi ce ‘non paiement’ sur le dos de leurs salariés. En Grèce, être payé avec un retard d’un mois n’est plus considéré comme un vrai report, le temps de retard moyen constaté quant au non versement des salaires avoisine actuellement les cinq mois, et dans certains cas, les patrons n’ont pas rémunéré leurs salariés depuis plus de deux ans.”
“Et même les partis politiques, lesquels prétendent parfois vouloir combattre le fléau du chômage, retardent autant le versement des traitements à leurs employés (...)
Il existe enfin d’autres catégories dans cette... armée de travailleurs non-rémunérés, explique Marili Zalaora, juriste et avocate, travaillant pour la GSEE : ‘Il ya des travailleurs qui sont les victimes d’une conduite sournoise de la part des employeurs, ces employés n’ont pas été payés régulièrement, depuis plus de trois ans, et alors ils survivent seulement, en percevant des avances à répétition sur leur salaire. Et en parallèle, il y une autre catégorie de travailleurs non rémunérés, celle des employés dits ‘en période d’essai’, ils sont traités comme étant... jetables par les employeurs, car ils sont immédiatement remplacés après la période d’essai, sans recevoir la moindre indemnité”.
“Il s’agit donc d’employés... nominaux, mais en réalité, ils sont essentiellement... chômeurs. Aucune statistique n’enregistre leur réalité, bien qu’en nombre sans cesse croissant, ils deviennent cependant les... stoïques équilibristes sur la corde raide d’une certaine prise d’otages... bien singulière”. (...)
“Les jeunes femmes grecques vendent du sexe pour le prix d’un sandwich”, d’après un reportage paru cette semaine dans la presse anglo-saxonne, “The Washington Post” et “The Independent”. Le reportage souligne... ainsi l’évidence : que six années d’austérité bien douloureuses, ont poussé le pays dans le gouffre. L’étude citée pour les besoins de l’article est explicite : “D’après bien de données portant sur plus de 17.000 travailleuses du sexe opérant en Grèce, force est de constater que les femmes grecques dominent maintenant l’industrie de la prostitution dans ce pays, en remplaçant les femmes originaires d’Europe de l’Est, et que le sexe vendu en Grèce, figure parmi les moins chers en Europe”.
“‘Certaines femmes le font juste pour une tarte au fromage, ou pour un sandwich car elles ont besoin de manger, elles ont faim’, explique Grigóris Laxos, professeur de sociologie à l’Université Pántion à Athènes. (...)