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Sécheresse à Madagascar : « On meurt de faim et de soif »
Article mis en ligne le 18 novembre 2021

Dans le sud de Madagascar, la « pire sécheresse du pays depuis quarante ans », aggravée par le changement climatique, cuit les cultures. En résulte le « kéré », la famine, qui pousse les Malgaches à se nourrir d’épluchures de légumes, de feuilles de cactus et même de cuir tanné bouilli.

Ce nouvel épisode de « kéré » — qui signifie « être affamé » dans la langue des Antandroy, le peuple qui habite cette région — a débuté en mai 2020. Aujourd’hui, l’organisation internationale évalue à près de 1,14 million le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire, sur les 27,2 millions d’habitants du pays. Dès juillet, à Amboasary, l’un des districts les plus au sud, environ 14 000 personnes étaient estimées au niveau maximal de la faim – le stade « catastrophe » lorsqu’il n’y a absolument plus rien à manger — sur une population d’environ 200 000, selon le PAM (...)

Plusieurs années sans pluie ont empêché toute agriculture

Moraree ne se souvient plus exactement mais cela fait « très longtemps » qu’il n’a pas plu dans son village, probablement plusieurs années, ce qui a rendu l’agriculture impossible. Certes, les épisodes de famine ne sont pas nouveaux sur l’île. Mais le changement climatique et ses vagues de sécheresse les aggravent. Madagascar subit aussi les conséquences d’une déforestation massive. L’absence d’évapotranspiration des arbres limite les précipitations. Et sans forêts brise-vents, des tempêtes de sables sans précédent ensevelissent les champs et privent les habitants de leurs récoltes. (...)

À cause de la sécheresse, l’eau aussi devient une denrée rare. « On est en train de mourir de faim mais aussi du manque d’eau. On en cherche partout. C’est moi qui m’en charge car ma fille a encore un enfant en bas âge mais je ne peux pas en transporter une grande quantité. » (...)

Ce qui était la normalité il y a quelques années s’est transformé en un lointain souvenir. « Notre champ donnait de bonnes récoltes. Nous cultivions du manioc et du maïs lorsqu’il pleuvait suffisamment. Nous avions de la nourriture en abondance. Maintenant nous n’avons plus rien. J’y pense tout le temps, jour et nuit, ça me rend malade », raconte Moraree. (...)

Les 22 euros mensuels du PAM devraient permettre à Moraree et sa famille de manger à leur faim. Mais c’est sans compter les vendeurs de produits alimentaires qui font crédit mais imposent des prix exorbitants, profitant de l’éloignement des villages. (...)

Avec l’argent, « nous n’obtenons qu’un petit panier de nourriture, ça ne dure même pas une semaine », résume Maretiaze, la fille de Moraree. À peine leur tubercule terminée, la famille s’inquiète pour le repas suivant. (...)

Quand la misère est trop lourde, les villageois se dirigent vers les villes. Sur un terrain vague en pleine centre d’Ambovombe, chef-lieu de la région Androy, des abris de fortunes faits de toiles de jute forment une rangée anarchique le long d’une clôture en bois. Des familles vêtues de haillons sales vont et viennent. La plupart sont des déplacés climatiques qui ont quitté leur village frappé par la sécheresse. Ici, on se nourrit de ce que l’on trouve en ville : épluchures de légumes trouvés au marché, feuilles de cactus normalement destinées aux zébus, cendres et même des bouts de cuir tannés que l’on fait bouillir.