
Le Dr Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, qui avait révélé le scandale du Mediator, a découvert « avec effarement » l’amendement de la loi Macron instaurant un « secret des affaires » susceptible d’écarter journalistes et lanceurs d’alerte. « Avec cet amendement, l’affaire du Mediator ne serait jamais sortie », prévient-elle.
Pourquoi estimez-vous que cet amendement est dangereux ?
Avez-vous lu l’amendement initial ? C’était... terrifiant ! Une information devenait protégée dans la mesure où celle-ci avait « une valeur économique » ou encore parce qu’elle n’était « généralement pas connue ou aisément accessible ». Cela voulait dire, pas question de mettre le nez dans nos affaires ! Pas d’investigation possible ! C’est tout simplement incroyable. C’est une chape de plomb qui s’abat avec le verrouillage de toute info qui pourrait gêner les intérêts d’un industriel. Qu’elle provienne de la presse ou d’un lanceur d’alerte.
Cela vous a immédiatement fait penser à l’affaire du Mediator ?
Oui ! Sortir cette affaire, vous vous en souvenez, n’a pas été une promenade de santé. C’est grâce au relais de la presse que le scandale a véritablement éclaté. Le livre que j’avais écrit et qui donnait l’alerte avait été censuré par le tribunal de Brest. Les motifs donnés par le jugement donnent un aperçu de ce que serait le prétexte du « secret des affaires » : le sous-titre « combien de morts » avait été censuré (...)
Le revirement du gouvernement, hier matin, qui promet d’amender l’amendement (sic) pour garantir la liberté de la presse, la liberté d’information et la liberté d’investigation vous satisfait-il ?
Les derniers éléments qui m’ont été communiqués, hier midi, ne me rassurent pas du tout. Il est, par exemple, fait mention d’un risque « grave » pour la santé pour échapper à cette loi. Tout est dans ce terme de « grave » et son appréciation. Le diable se glisse dans les détails. (...)
Quelle solution s’impose à vos yeux ?
Il me semble qu’il faut retirer la totalité de l’amendement et le réécrire plus tard, après audition de lanceurs d’alerte et de journalistes. Pour moi, le problème a été abordé à l’envers. Si on doit protéger les firmes de l’espionnage industriel, ce n’est pas en muselant la critique.