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« Séparatisme » : et si la politique antiterroriste faisait fausse route ?
Article mis en ligne le 9 novembre 2020

La pandémie de la Covid-19 avait momentanément détourné l’attention du débat public de la question des musulmans de France. Le 16 octobre dernier, la décapitation de Samuel Paty, enseignant d’histoire-géographie à Conflans, suivie d’une seconde attaque au couteau à la Basilique de Notre-Dame à Nice le 31 octobre, a réactivé les réflexes sécuritaires et une rhétorique de laïcité « identitaire ».

La fermeture de mosquées et la dissolution d’associations telles que le Collectif de Lutte Contre l’Islamophobie (CCIF) sont-elles cependant de bonnes solutions au problème ? Fait-on face, réellement, en France, à un problème de « séparatisme » musulman ?

Les enquêtes en cours permettront de déterminer les raisons profondes, individuelles ou collectives, conscientes ou inconscientes qui ont poussé les assaillants à commettre les meurtres de Conflans et de Nice. Car vouloir comprendre, contrairement aux propos d’un ancien premier ministre, lorsqu’il s’agit de tels actes, ne veut jamais dire justifier. Au contraire, il est essentiel de comprendre pour pouvoir agir. A commencer par comprendre de quoi il est question quand on évoque l’adhésion à la « laïcité » des personnes de confession musulmane en France et leur « intégration ».

Le terrorisme : une question sociétale ?

Le texte élaboré par le gouvernement qui sera présenté début décembre prochain, propose de « renforcer la laïcité et conforter les principes républicains », d’intégrer désormais des mesures visant à renforcer « l’arsenal législatif » en matière de terrorisme. Le gouvernement diagnostique ainsi que le problème du terrorisme relève d’un problème sociétal, à savoir le manque d’intégration des populations musulmanes en France, et plus spécifiquement de l’atteinte aux principes de la laïcité.

Or, quelles preuves nous donne le gouvernement de ce lien ? Quels indices a-t-on d’un manque d’intégration ou d’une remise en question des institutions de la République par les musulmans de France ?

Cette analyse d’un problème « sociétal » n’est pas nouvelle mais reste cependant relativement récente. En effet, les politiques de lutte antiterroriste ont marqué un tournant après les attentats de Mohamed Merah en 2012. (...)

La fermeture de mosquées et la dissolution d’associations telles que le Collectif de Lutte Contre l’Islamophobie (CCIF) sont-elles cependant de bonnes solutions au problème ? Fait-on face, réellement, en France, à un problème de « séparatisme » musulman ?

Les enquêtes en cours permettront de déterminer les raisons profondes, individuelles ou collectives, conscientes ou inconscientes qui ont poussé les assaillants à commettre les meurtres de Conflans et de Nice. Car vouloir comprendre, contrairement aux propos d’un ancien premier ministre, lorsqu’il s’agit de tels actes, ne veut jamais dire justifier. Au contraire, il est essentiel de comprendre pour pouvoir agir. A commencer par comprendre de quoi il est question quand on évoque l’adhésion à la « laïcité » des personnes de confession musulmane en France et leur « intégration ».
Le terrorisme : une question sociétale ?

Le texte élaboré par le gouvernement qui sera présenté début décembre prochain, propose de « renforcer la laïcité et conforter les principes républicains », d’intégrer désormais des mesures visant à renforcer « l’arsenal législatif » en matière de terrorisme. Le gouvernement diagnostique ainsi que le problème du terrorisme relève d’un problème sociétal, à savoir le manque d’intégration des populations musulmanes en France, et plus spécifiquement de l’atteinte aux principes de la laïcité.

Or, quelles preuves nous donne le gouvernement de ce lien ? Quels indices a-t-on d’un manque d’intégration ou d’une remise en question des institutions de la République par les musulmans de France ?

Cette analyse d’un problème « sociétal » n’est pas nouvelle mais reste cependant relativement récente. En effet, les politiques de lutte antiterroriste ont marqué un tournant après les attentats de Mohamed Merah en 2012. (...)

Mais a-t-on véritablement affaire à un phénomène de radicalisation de la population musulmane en France qui conduirait à une forme de séparatisme ?

En 2018, nous nous sommes interrogés sur ce « tournant sociétal » de 2014 de l’antiterrorisme, et avons cherché à répondre à cette question.
Nos résultats montrent un constat inverse à celui établi par le gouvernement

Nous avons ainsi mené la première étude quantitative interrogeant les liens entre antiterrorisme et discrimination en France. Un enquête qui nous permet de répondre directement à ces questions avec des données chiffrées. Celles-ci nous donnent une image inversée du diagnostic gouvernemental.

Pour cette étude, nous avons interrogé deux groupes : un groupe de personnes s’identifiant comme « musulmanes » et un « groupe de contrôle » composé de non-musulmans (pour les détails méthodologiques, nous renvoyons à notre étude). Quel est le constat ?

Contrairement aux discours médiatiques du gouvernement, mais en ligne avec un ensemble d’études réalisées par le passé, l’image du groupe « musulman » qui ressort de nos chiffres est celle d’une population qui fait très largement confiance aux institutions de la République. (...)

Or, cette confiance est d’autant plus surprenante que les musulmans déclarent dans le même temps se sentir discriminés, bien plus que le reste de la population (...)

Des mesures contraignantes mais globalement acceptées

Concernant les politiques antiterroristes et ses effets, nous avons fait les constats suivants : elles sont considérées comme justifiées par une grande partie de nos répondants, notamment en ce qui concerne le ciblage de populations spécifiques (...)

Et cela, malgré des effets considérés comme négatifs de ces politiques, puisqu’un grand nombre de répondants musulmans se sentent stigmatisés par l’antiterrorisme, en considérant par exemple être choisis de façon délibérée dans les interactions avec des agents publics, le plus souvent à cause de leur origine ou de leur couleur de peau (...)

Enfin, le dernier résultat important de notre enquête est que, tant chez les musulmans que chez les non-musulmans, la baisse de confiance dans les institutions ainsi que le changement de comportement face à l’antiterrorisme (limitation de la liberté d’expression, repli) s’expliquent avant tout par un seul et même facteur, l’expérience de la discrimination.

Et cela, sous contrôle d’autres facteurs tels que la religion, l’âge, la classe sociale ou le genre. Or, le groupe « musulman » comportant plus de personnes se décrivant comme discriminées, il est particulièrement susceptible d’être sensible à ces effets secondaires.

La rhétorique perçue comme discriminatoire dans les médias et dans le discours politique, ainsi que l’action de l’État en matière d’antiterrorisme, participe de ce sentiment de discrimination de personnes qui n’ont, a priori, rien à voir avec des réseaux terroristes.

Des mesures peu efficaces (...)

Sur la base de notre étude, il nous semble que ces propositions, en dehors de l’affichage politique de fermeté, ne résoudront pas grand chose, car le problème qu’elles tentent de résoudre, n’en est en réalité pas un. Bien sûr, il existe des groupements extrêmes et radicaux, et s’ils font le choix de la violence politique, ils représentent un danger.

Mais ce sont des groupements et des réseaux qui ne représentent qu’un très petit nombre d’individus. Il n’y a pas, en France, de rejet des valeurs et des institutions de la République par une majorité de musulmans. Il faut plutôt faire le constat inverse, celui d’une adhésion massive. Il y a en revanche un fort sentiment de discrimination des populations musulmanes, auquel contribuent, partiellement, les politiques antiterroristes.

Ne pas faire l’économie de la lutte contre les discriminations

Notre proposition, basée sur les données chiffrées que nous avons mises en évidence, est donc simple : l’action politique antiterroriste ne peut pas faire l’économie de la lutte contre les discriminations. (...)

Dans notre rapport nous indiquons des chantiers à privilégier, notamment les médias et la police. (...)