
Ratifier le traité commercial entre l’Europe et le Canada reviendrait à clamer haut et fort que la COP21 n’a rien changé et que la transition énergétique n’est pas pour demain.
Alors que les dirigeants de la planète se réunissent à l’ONU, à New York, pour accélérer le processus de ratification de l’Accord de Paris sur le climat adopté à la COP21, nous lançons l’alerte. Si les pays européens signent en octobre l’accord de commerce UE-Canada (appelé Ceta), ils porteront un grave coup à l’Accord de Paris. Importations de pétrole des sables bitumineux, agriculture industrielle et frilosité accrue des responsables politiques sur le climat : le Ceta et l’accord de la COP21 sont tout simplement incompatibles.
Précurseur politique du Tafta (l’Accord UE-Etats-Unis), le Ceta est un accord de libéralisation des échanges et de l’investissement entre l’UE et le Canada. Bruxelles souhaite que ce traité, conclu fin 2014, soit validé par les Vingt-Huit le 18 octobre, puis officiellement signé lors de la venue du Premier Ministre Justin Trudeau le 27 octobre. Accepter le Ceta reviendrait à clamer haut et fort que la COP21 n’a rien changé et que la transition énergétique n’est pas pour demain. (...)
D’après les scientifiques, rester sous la barre des 1,5°C ou 2°C de réchauffement par rapport à la période préindustrielle suppose de laisser 80 % des réserves connues d’énergies fossiles dans les sous-sols. Et d’éliminer d’abord les plus polluantes d’entre elles.
Un risque grave de frilosité politique
On ne peut pas sortir des énergies fossiles d’un claquement de doigts. Nos lois et politiques publiques doivent commencer à évoluer. Il faut changer notre système fiscal, encore trop favorable à ces énergies sales, réduire la pollution de l’air, baisser la consommation énergétique des bâtiments, des véhicules ou des appareils électroniques et soutenir le développement des énergies renouvelables. Il faut aussi aider les ménages, les collectivités et les entreprises en difficulté, qui ne peuvent enclencher cette transformation sans soutien public.
Le Ceta risque de sanctionner les responsables politiques décidés à prendre ces mesures indispensables. En cause : son mécanisme d’arbitrage privé entre investisseurs et Etats. (...)
Ainsi, le droit d’un Etat à adopter de nouvelles réglementations, notamment énergétiques ou climatiques, serait constamment menacé par d’éventuels recours des entreprises. De multiples cas liés à d’autres accords de libre-échange contenant des dispositifs similaires l’ont déjà prouvé (par exemple l’Alena entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique).
L’augmentation des émissions agricoles
L’agriculture représente déjà 24 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle de la planète. Accepter le Ceta serait engager sur la mauvaise voie le modèle agro-alimentaire européen, loin d’être cohérent avec les engagements de la COP21. (...)
Un obstacle à l’acceptabilité sociale de la transition
La transition écologique est un formidable moteur de changement social, pour créer une société plus économe, plus respectueuse du climat et l’environnement, plus juste. A condition qu’elle se fasse avec et par les citoyens et qu’elle apporte des bénéfices locaux (...) Or, cette capacité d’action locale est remise en cause par le Ceta. Il empêcherait les pouvoirs publics de demander aux investisseurs de respecter des seuils minimaux de produits locaux, ou de donner préférence à des produits ou services locaux dans leurs commandes publiques (productions de technologies d’énergie renouvelable, de trains, alimentation, etc). (...)
Le Ceta viendrait enfin creuser le fossé entre l’Europe et les citoyens, parce qu’il renforcerait encore l’influence des lobbies industriels et financiers sur les décisions réglementaires. Alors qu’une étude d’impact du Ceta menée par Bruxelles en 2008 concluait à un gain de 2 euros par mois et par Européen, une étude indépendante d’une université américaine indique qu’il détruirait 200 000 emplois en Europe, dont 45 000 en France. Est-ce vraiment ainsi que la France imagine reconstruire l’Europe ?
Le gouvernement français répète que le Ceta n’a rien à voir avec le Tafta, que c’est un bon accord, compatible avec la COP21. Pourtant, tout indique le contraire. Nous demandons haut et fort à la France, qui a piloté, signé et ratifié l’Accord de Paris, de rejeter le Ceta. Nous demandons également à tous les parlementaires français, qu’ils soient au parlement européen ou français, de prendre position contre ce texte, en cohérence avec leur avis quasi unanime en faveur de la ratification de l’Accord de Paris.