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Le Monde
« Si on ne se bouge pas, qui le fera ? » : Onestla.tech, le collectif qui veut révolter les travailleurs du numérique
#alternatives #numeriqueresponsable
Article mis en ligne le 17 décembre 2022

Né sur les réseaux sociaux en 2019, ce collectif français entend mettre la technologie « au service du bien commun ». Il organisait jeudi sa première conférence.

Il faut slalomer entre des panneaux aux couleurs de Google, IBM et Microsoft, puis dépasser une affiche promettant un cocktail le soir même (avec champagne), avant de trouver la bonne salle. Ici, devant une quarantaine de personnes, on débat de l’industrie des technologies et de ses richesses, mais sans l’enthousiasme béat de certaines conférences consacrées au numérique. (...)

Les algorithmes sont-ils un danger pour la Sécurité sociale ? L’éthique dans l’intelligence artificielle est-elle une vaste arnaque ? Comment allier nouvelles technologies et écologie sans « greenwashing » ? Et surtout, est-il temps que les travailleurs et travailleuses du numérique se révoltent ?

C’était le programme, chargé, de la première conférence du collectif Onestla.tech, qui entend porter la voix des travailleurs et travailleuses du numérique en France pour « mettre la technologie au service du bien commun ». L’événement, qui s’est tenu le 15 décembre à la Cité des sciences à Paris, était hébergé au sein des Apidays, une grande conférence professionnelle du numérique, où l’on a plus l’habitude de parler d’économie du logiciel que d’anticapitalisme.

Le collectif assume ce contraste. « Nous, les travailleurs et les travailleuses du numérique, nous avons le privilège du plein-emploi et des rémunérations hautes », explique sur scène Hélène Maître-Marchois, cofondatrice d’Onestla.tech, et également cofondatrice de Fairness, une entreprise française de services numériques. « Alors si on ne cherche pas à faire bouger les choses, qui le fera ? » (...)

« L’automatisation peut être une chance pour l’humanité : elle permet de déléguer aux machines toujours plus de tâches fastidieuses, ingrates, complexes, ennuyeuses ou non épanouissantes », peut-on lire dans cet appel fondateur. « Malheureusement, les monumentales richesses produites par les machines et les programmes développés par les actrices et acteurs du numérique sont accaparées par une poignée de personnes, propriétaires ou actionnaires des multinationales de la tech ou de domaines qui en dépendent toujours plus. »

Le texte, signé à ce jour par plus de deux mille personnes, a aussi attiré l’attention des médias, intrigués par ce projet a priori rare : une prise de position politique forte de la part d’un groupe souvent jugé comme dépolitisé. (...)

Lire aussi :

L’appel : Parce-qu’une autre tech est possible, nous sommes des travailleuses et travailleurs du numérique qui nous organisons !
Ce texte fondateur, qui a débouché sur la création du collectif, a été publié pendant le mouvement social contre la réforme des retraites en France de 2019-2020.

Les actions et publications du collectif ne reflètent pas forcément la vision de l’ensemble des signataires du texte initial.
Appel des travailleuses et travailleurs du numérique pour une autre réforme des retraites

L’automatisation peut être une chance pour l’humanité : elle permet de déléguer aux machines toujours plus de tâches fastidieuses, ingrates, complexes, ennuyeuses ou non épanouissantes. Les progrès fulgurants effectués au cours des dernières décennies dans les domaines de l’électronique, de l’informatique, des réseaux et de l’intelligence artificielle permettent tous les jours un peu plus de s’affranchir du travail.

Malheureusement, les monumentales richesses produites par les machines et les programmes développés par les actrices et acteurs du numérique sont elles aussi accaparées par une poignée de personnes, propriétaires ou actionnaires des multinationales de la tech ou de domaines qui en dépendent toujours plus. Cela représente plus de 3 300 milliards de dollars rien qu’en 2019. Un exemple parmi d’autres, Bernard Arnault est un important actionnaire de Google, de Netflix mais aussi de 50 startups incubées à la Station F. Alors que les plus pauvres de nos aînés, en particulier les femmes, doivent survivre avec 868,20 € par mois de minimum vieillesse, il gagne l’équivalent de 3 millions d’euros par heure.

Le gouvernement voudrait nous faire croire qu’il faut travailler plus longtemps pour financer les retraites de nos anciens, que les cheminotes et cheminots, les soignantes et soignants, les pompières et pompiers ou les enseignantes et enseignants seraient des nantis vivant aux crochets de la société. En réalité, les inégalités sont telles que 26 personnes possèdent plus à elles seules que 3,8 milliards d’humains réunis. À la deuxième position de ces 26 personnes se trouve Bernard Arnault, juste derrière Jeff Bezos. Parmi ces 26, se trouvent quelques acteurs de la tech… mais aucun cheminot, ni soignant, ni pompier, ni enseignant.

Allonger le nombre d’années de travail nécessaires avant la retraite ou encore prétendre lutter contre le chômage tout en incitant à effectuer des heures supplémentaires est une aberration, un non-sens historique à l’heure de l’automatisation galopante. Se battre pour « la valeur travail » est non seulement futile mais dangereux : la société de consommation, cette volonté imbécile de vouloir produire toujours plus et toujours plus inutile est en train de détruire notre planète. (...)