
2/2 Il est l'un de ces milliers de "disparus de la bataille d'Alger", morts sous la torture ou exécutés, leurs corps détruits ou dissimulés. Ils étaient destinés, du fait de leur statut de colonisés, à rester inconnus. https://t.co/OcWIpELaa8 leur rend un visage et une histoire.
— Fabrice Riceputi (@campvolant) June 30, 2022
Le 4 mars 1957, le docteur Slimane Asselah est enlevé à son cabinet, à Alger, par les forces françaises. Sa famille ne le reverra jamais. Et comme pour beaucoup, les circonstances de sa disparition restent incertaines. C’est l’objet de cette enquête en quatre volets.
4 mars 1957. Ce qui sera bientôt baptisé « bataille d’Alger » par la propagande française fait rage depuis deux mois. Ce matin-là, le docteur Slimane Asselah reçoit des patients dans le cabinet médical situé au premier étage du 15 rue Marengo, au milieu de la casbah d’Alger. Vers midi, il en sort, escorté par des membres des forces de l’ordre françaises, et monte dans leur véhicule. Mort ou vif, sa famille ne l’a jamais revu.
Il est l’un des 350 Algériens définitivement disparus actuellement identifiés comme tels dans le projet Mille autres depuis trois ans, par un appel à témoignages portant sur un échantillon d’un millier de ceux qui furent arrêtés par l’armée française en 1957 à Alger. (...)
Dès qu’elle est informée de cet enlèvement par des militaires, la famille de Slimane Asselah commence fébrilement des recherches pour connaître le sort du jeune médecin. Elles dureront plusieurs années. Tout comme celle, bien plus célèbre, de Josette Audin concernant son époux Maurice et comme celles des autres familles algériennes de disparus, cette quête de vérité et de justice, plus de soixante ans après, est restée vaine : presque aucune famille ne sait aujourd’hui avec certitude où, comment et quand exactement son disparu est mort, encore moins ce qui a été fait de sa dépouille. (...)
Quant à obtenir la justice, il n’en fut jamais question durant la guerre d’indépendance, a fortiori depuis la première d’une série de lois d’amnistie décrétées par la France à partir du mois de mars 1962 et interdisant toute enquête judiciaire.
Aujourd’hui, l’une des façons de faire l’histoire de ces disparitions algériennes consiste à raconter cette quête de vérité et de justice qui n’aboutit jamais, mais dont la mémoire est conservée par les proches et descendants des disparus.
Les sources écrites dans les archives françaises sont le plus souvent peu nombreuses, parfois même inexistantes. Leur nombre dépend de la capacité qu’eurent les proches à atteindre les autorités coloniales et à obtenir d’elles une réaction, par exemple en mobilisant des réseaux d’alerte en métropole.
Or, du fait même de la situation coloniale, cette capacité dans les familles algériennes était très faible. Dans la majorité des cas, on ne retrouve guère çà et là dans les archives coloniales que les appels au secours qu’elles adressèrent, souvent à l’aide d’un écrivain public, à des généraux, préfets, ministres et personnalités diverses. La plupart restent sans réponse.
Quelquefois, les tentatives des familles de disparus d’arracher des informations, surtout lorsqu’elles ont reçu l’appui d’une personnalité française, ont contraint le pouvoir militaire et civil à s’expliquer sur des disparitions. Ces justifications produisirent alors des archives, mais, comme nous le verrons, celles-ci sont essentiellement celles de la dissimulation de crimes que l’armée ne reconnaît jamais, des archives du mensonge qui créent une histoire fictionnelle.
Une disparition particulière (...)