
La sortie du « Manifeste conspirationniste » par une fraction schismatique du défunt Comité Invisible, adoube les délires méta-complotistes soi-disant propices à la révolte collective, en accréditant l’hypothèse d’une pandémie « planifiée » pour justifier un « ordre mondial » de la surveillance généralisée. Bref, en pariant sur une politique du pire mortifère.
En ces temps de management étatique autoritaire, dérégulant tout à la trique (et à la bio-mé-trique), s’il est un secteur qui marche à plein régime, c’est bien celui de la fabrique des ennemis intérieurs.
Un demi-siècle durant, ce furent les sempiternels « faux-chômeurs » selon Raymond Barre, rebaptisés au fil du temps « fraudeurs de l’assistanat » (alors que d’évidence le haut actionnariat monopolise l’essentiel de la fraude et de l’assistanat) ;
puis au tournant des années 2010 ce fut le tour des « anarcho-autonomes » de Tarnac et leur Comité Invisible (...)
furent ensuite ciblés les « islamo-gauchistes », selon un mot-valise inventé par Pierre-André Taguieff en 2002 pour stigmatiser les mouvements altermondialistes (...)
et voici qu’apparaît l’ultime épouvantail brandi par le Comité de Défense sanitaire qui nous gouverne hebdomadairement avec ses tours de pass-pass biométriques : les honnis « anti-vax », ou plus exactement, afin de radicaliser la figure d’un ennemi servant d’exutoire à la détresse ambiante, ces agents viraux délibérés mettraient en péril le reste de la population, soit le pêle-mêle des 4 ou 5 millions de méchants irresponsables refusant mordicus les vaccins en toute malfaisance (...)
(alors que, parmi ces infectieux présumés coupables, les opposants délibérés au vaccin, usant de thèses complotistes ou abusés par des rumeurs orwelliennes, sont une quantité presque négligeable, tandis que l’immense majorité est composée de personnes isolées, radiées ou déboutées de la plupart de leurs droits sociaux, défiantes souvent à juste titre envers la médication à outrance, et que, prenant pour la plupart des précautions d’hygiène élémentaire, ils ne sont pas plus que les vaccinés responsables de la circulation des variants, sans oublier que parmi celles et ceux finissant par agoniser à l’hosto en pleine asphyxie, la majeure partie est surtout constituée d’immunodéficients et de personnes très âgées, sans vaccin à jour il est vrai, mais de plus longue date jamais contactés ou mal soignés de leurs pathologies chroniques ou n’ayant fait l’objet d’aucune démarche par des services sociaux ou une aide psychologique, ni la moindre approche de proximité pour les tester gratuitement et les convaincre du bienfait relatif de cette piqûre, à dose pourtant presque homéopathique.
Ceci étant posé avec autant de clarté que possible, tout n’est pas limpide pour autant dans nos têtes embrumées, la mienne y compris. Anti-pass je suis (mais vite échaudé par l’hégémonie parano-cinglée lors de ma première et seule manif à ce sujet) ; vacciné par trois fois je suis mais conscient jusqu’à l’écœurement que ces doses profitent de façon éhontée aux cyniques breveteurs des géants pharmaceutiques sans pour autant être la panacée qu’on nous vend contre des pandémies déjà chroniques, dont il faudrait tarir les causes à la source (c’est-à-dire partout où l’on piétine la fourmilière du vivant afin de redonner un énième souffle à la logique prédatrice du capitalisme) ; méfiant je suis envers le poids des lobbys industriels, des amalgames trompeurs de nos décideurs, des incohérences d’un protocole sanitaire sans cesse réajusté selon les nécessités impérieuses de la reprise économique (...)
sceptique envers les fake views intentionnelles ou du moins tellement consensuelles que douteuses des médias, bref de tous les signes extérieurs d’une déraison d’État permanente, mettant à nu sa pseudo-expertise technocratique, mais il y a un mais… Je préfère les fameuses « révoltes logiques » (qui depuis la nuit des temps ont combattu les arguties sophistiques des puissants et leur monopole de la vérité légitime) aux mirages de la suspicion critique, autrement dit aux hypothèses complotistes, en quête d’un faisceau de présomptions envers un « ordre mondial » (plus ou moins « nouveau ») orchestrant le grand tout par la « ruse et la force », selon un machiavélisme omniscient. Je crois que l’illogisme réactif et l’opportunisme pragmatique, qui sont l’essence même de toute thermodynamie gouvernementale, suffisent à expliquer le mortifère désordre mondial, sa misère psychique et les chantages à la survie qui en découlent, sans main invisible nulle part ni savant fou cherchant par tous les moyens à nous entuber au bénéfice d’un cartel, d’une franc-maçonnerie ou d’un think tank en orbite au-dessus de nos têtes.
D’où ma consternation à la lecture du Manifeste conspirationniste publié récemment aux éditions du Seuil, sous couvert d’un anonymat cachant mal une ultime ( ?) surenchère d’une fraction schismatique du défunt Comité Invisible, décidé, non pas à retourner le stigmate infâmant du conspirationnisme pour mieux le rendre risible, mais à accréditer ses pires effets de style, ses sous-entendus retors, son goût maniaque de la coïncidence révélatrice, bref sa force de prestidigitation mentale, en lui insufflant une très artificieuse visée révolutionnaire, si ostentatoirement rhétorique que sonnant faux de bout en bout (...)