Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Le Monde
Sous l’effet de sanctions, des avions russes opérant en Afrique pour les Nations unies sont cloués au sol
Article mis en ligne le 21 septembre 2022

Des agences ou des missions de l’ONU et des organisations humanitaires voient leurs déplacements entravés après des mises en garde visant certains avions et hélicoptères.

C’est une conséquence inattendue de la guerre en Ukraine. Dans quatre pays africains, à des milliers de kilomètres du théâtre des opérations, notamment au Soudan et au Burkina Faso, des agences ou des missions des Nations unies (ONU), mais aussi, par ricochet, des organisations humanitaires, voient leurs déplacements entravés, depuis le jeudi 15 septembre, faute d’avions et d’hélicoptères, cloués au sol après des alertes émises par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) en raison de leur immatriculation russe. (...)

Sur les 980 avions de transport de passagers exploités par la Russie, 750 étaient alors en location-vente à des sociétés principalement enregistrées en Irlande ou aux Bermudes.

La Russie a rapidement fait main basse sur les aéronefs concernés avant de leur attribuer une nouvelle immatriculation – russe, cette fois –, sans que la précédente ait été radiée des registres par leurs propriétaires initiaux. Et Moscou s’est mis à délivrer, unilatéralement, l’autorisation de leur exploitation sur des liaisons internationales. Autant d’initiatives que la convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale interdit depuis qu’elle a été adoptée, en 1944.

« Ces aéronefs ont continué d’être exploités sans certificat de navigabilité, ni licence de station radio en cours de validité, et en l’absence de garantie que les contrôles associés étaient effectués », relève l’OACI dans une note du 1er septembre. Ce qui, selon cette organisation, forte de 193 Etats membres, dépendant de l’ONU et garante du respect des règles de l’aviation civile, constitue non seulement « des infractions, mais également un risque immédiat pour la sécurité » des passagers et des biens transportés.

22 % de la flotte onusienne

La Russie avait jusqu’au 15 septembre pour rentrer dans le rang. Sans réponse de Moscou à l’expiration de ce délai, l’OACI a émis « un bulletin de préoccupation importante en matière de sécurité ». Simultanément, « toutes les missions de maintien de la paix et les agences de l’ONU dans le monde ont été priées de s’abstenir immédiatement de charger [en matériels] des aéronefs commerciaux immatriculés en Fédération de Russie jusqu’à nouvel ordre », précise Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU (...)

Leur immobilisation a pris tout le monde de court. Les ONG ont été informées par mail d’une « possible interruption des opérations », le 13 septembre seulement.

« Pourquoi cela n’a-t-il pas été mieux anticipé ? », s’étonne une source humanitaire souhaitant garder l’anonymat. Comme d’autres, elle craint un « impact dramatique » sur les populations dans ce pays où 3,5 millions d’habitants (sur un total de 20 millions) ont besoin d’aide. « Dans certains endroits, les ONG étaient les seules à pouvoir les prendre en charge, s’inquiète notre interlocuteur. Nous sommes actuellement au pic des besoins en assistance alimentaire. Dans certains endroits, les habitants n’ont plus d’accès à l’eau ni aux soins médicaux, le blocage de l’aide humanitaire aura donc un impact sur des vies humaines. » Deux hélicoptères de remplacement viennent d’arriver à Ouagadougou, d’où ils devraient reprendre leurs rotations dans les jours qui viennent.
Solutions de remplacement

La situation est également tendue au Soudan du Sud, où la réponse humanitaire repose très largement sur les vols de l’UNHAS et ses onze aéronefs russes (sur un total de 25). Dans un message interne, la mission des Nations unies au Soudan du Sud indique qu’elle « travaille avec le siège pour obtenir des avions de remplacement, [ce qui va] prendre des mois ».

En attendant, les ONG présentes dans le pays s’inquiètent de la baisse des liaisons héliportées, alors que certains sites sont, en cette saison des pluies, inaccessibles par la route ou par bateau. (...)

Les mêmes préoccupations pointent, plus au nord, au Soudan, où, sous couvert d’anonymat, un humanitaire qualifie ces limitations de vol de « particulièrement problématiques ». Notamment pour les régions du Darfour et du Sud-Kordofan, où les routes sont impraticables en cette saison. Il redoute un « impact massif » sur les opérations dans le pays.

Dans l’ensemble des missions affectées, l’ONU explore des solutions de remplacement. « Mais cela va prendre du temps et coûter plus cher », glisse un connaisseur du dossier.