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Sous les mers, la cacophonie humaine assomme les cétacés
Article mis en ligne le 30 septembre 2016
dernière modification le 24 septembre 2016

Le bruit produit par les activités humaines en mer perturbe gravement la faune aquatique. Sonars militaires causant des échouages massifs, essor des énergies marines et du trafic maritime… les sources de nuisance sont multiples. Scientifiques, politiques et industriels réfléchissent à des solutions.

Les 12 et 13 mai 1996, en Grèce, douze baleines à bec de Cuvier s’échouent sur les côtes du golfe de Kyparissiakos, après l’utilisation d’un sonar à basse fréquence par un navire expérimental de l’Otan ; en 2000, aux Bahamas, dix-sept cétacés — baleines à bec, petits rorquals, dauphins tachetés — périssent à cause de l’utilisation de sonars à moyenne fréquence par cinq navires militaires ; le 24 septembre 2002, aux Canaries, quatorze baleines à bec font naufrage pendant l’exercice du Neo Tapon... À l’origine de ces hécatombes, un fléau invisible : le bruit sous-marin lié aux activités humaines.

L’examen des corps des animaux laisse peu de doute. « Des bulles de gaz ont été observées dans les organes. Elles seraient à l’origine d’un accident de décompression lié à une remontée à la surface très rapide, signe d’un mouvement de panique », rapporte Olivier Van Canneyt, de l’Observatoire Pelagis. Par contre, il est difficile de distinguer les effets d’un bruit violent sur les oreilles des animaux. En effet, « les cellules de l’oreille interne se dégradent très vite. Pour découvrir des lésions, il faudrait réaliser les prélèvements juste après la mort de l’individu ».

Sans provoquer la mort, le vacarme peut perturber gravement les cétacés. « L’ouïe est le sens premier des mammifères marins, explique Ludivine Martinez, responsable de la cellule Cohabys de l’université de La Rochelle, qui fait l’interface entre chercheurs et industriels. Ils l’utilisent pour se repérer, chasser, communiquer... Par exemple, la solitude des baleines bleues est une illusion : en réalité, elles s’envoient des signaux sur des dizaines voire des centaines de kilomètres ! Si elles ne s’entendent plus à cause du bruit anthropique, cela peut les empêcher de se retrouver pour la reproduction et avoir de graves conséquences sur la survie de l’espèce. » (...)

« Depuis cinq-six ans, nous nous apercevons que l’ensemble de la faune marine est affectée. En particulier les invertébrés comme les mollusques et les calamars, dont les organes internes sont endommagés par le bruit », précise Michel André, professeur à l’université polytechnique de Catalogne, directeur du Laboratoire d’applications bioacoustiques et lauréat du Rolex Awards en 2002 pour la conception d’un système anticollision entre cétacés et navires. Le changement climatique pourrait aggraver la situation (...)

Petit à petit, les institutions incorporent ces nouvelles données dans leurs décisions. En 2008, l’Union européenne adopte la directive-cadre stratégie pour le milieu marin. « Elle définit onze indicateurs de bon état écologique des océans, et le onzième est un indicateur de bruit, détaille Thomas Folegot, fondateur et président-directeur général du bureau d’étude Quiet-Oceans. Politiquement, c’est assez fort. Cela signifie que les gouvernements des États membres ont l’obligation de connaître les niveaux de bruit dans leurs eaux, doivent se donner des objectifs de réduction et demander aux industriels qui ont des projets en mer de tenir compte du bruit et de ses impacts. » En parallèle, la Commission européenne a lancé deux projets : Sonic, pour la compréhension et la cartographie du bruit en mer, et Aquo, qui a pour objectif de concevoir et de construire des navires plus silencieux.

« La France est l’un des seuls pays développés où il n’existe aucun seuil réglementaire pour les émissions sonores »
(...)