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Soutenir Charlie Hebdo, critiquer Charlie Hebdo…
Article mis en ligne le 7 novembre 2011

Thomas Legrand, chroniqueur apprécié de France Inter, se félicitait jeudi matin des progrès observés (par lui) dans les réactions à ce qu’on pourrait appeler « l’affaire Charlie Hebdo ». En 2006, notait-il, au moment où le même hebdomadaire publiait les fameuses « caricatures de Mahomet », les condamnations aux menaces intégristes étaient certes quasi unanimes, mais elles étaient souvent assorties d’un « mais… ». « Je condamne les menaces intégristes contre Charlie, mais je n’approuve pas pour autant la publication des caricatures ».

Aujourd’hui, se réjouissait notre chroniqueur, il n’y a plus de « mais… ». Eh bien moi, Cher chroniqueur, je revendique le droit au « mais » ! Et je voudrais bien qu’au nom d’une liberté totale, on ne me prive pas de mon droit à la critique. Je ne suis pas binaire au point de ne pas pouvoir à la fois condamner les criminels qui balancent un cocktail Molotov dans les locaux d’un journal, et désapprouver les choix rédactionnels de Charlie. Je dis « condamner » et « désapprouver », car il va sans dire que mon opposition à un acte liberticide et criminel, et ma critique d’un choix rédactionnel, ne sont pas de même nature. Cela dit, je ne doute pas qu’un esprit de polémique mal placé réussira à rendre le « mais » apologétique, sinon complice du crime. Les pressions pour faire taire le « mais » sont innombrables.

Thomas Legrand, chroniqueur apprécié de France Inter, se félicitait jeudi matin des progrès observés (par lui) dans les réactions à ce qu’on pourrait appeler « l’affaire Charlie Hebdo ». En 2006, notait-il, au moment où le même hebdomadaire publiait les fameuses « caricatures de Mahomet », les condamnations aux menaces intégristes étaient certes quasi unanimes, mais elles étaient souvent assorties d’un « mais… ». « Je condamne les menaces intégristes contre Charlie, mais je n’approuve pas pour autant la publication des caricatures ».

Aujourd’hui, se réjouissait notre chroniqueur, il n’y a plus de « mais… ». Eh bien moi, Cher chroniqueur, je revendique le droit au « mais » ! Et je voudrais bien qu’au nom d’une liberté totale, on ne me prive pas de mon droit à la critique. Je ne suis pas binaire au point de ne pas pouvoir à la fois condamner les criminels qui balancent un cocktail Molotov dans les locaux d’un journal, et désapprouver les choix rédactionnels de Charlie. Je dis « condamner » et « désapprouver », car il va sans dire que mon opposition à un acte liberticide et criminel, et ma critique d’un choix rédactionnel, ne sont pas de même nature. Cela dit, je ne doute pas qu’un esprit de polémique mal placé réussira à rendre le « mais » apologétique, sinon complice du crime. Les pressions pour faire taire le « mais » sont innombrables. (...)

Si mon libre-arbitre prétend résulter du seul acte de ma volonté, ma liberté, elle, tient compte de toutes sortes de déterminismes. Elle est aussi sociale. Je ne fais jamais ce que je veux. Je suis toujours dans l’autocensure. Consciemment ou non, il y a toujours des choses que je m’interdis de faire. Dessinateur à Charlie ou journaliste à Politis.

Et parmi les déterminismes dont je tiens compte, il y a évidemment l’environnement social et politique. Le contexte. Il ne s’agit pas d’excuser le voleur parce qu’il est pauvre. Mais, s’il est pauvre, en proie aux discriminations, et qu’il n’a rien volé, et même si j’ai un fol humour et l’envie de beaucoup rire, je n’ai pas forcément envie de l’accabler. Surtout que je suis bien conscient des risques de récupération par mes pires ennemis. Je ne peux donc prétendre à une totale irresponsabilité. On m’objectera que, dans le cas qui nous occupe, toutes ces précautions, on les a prises. Et que ceux que l’on attaque de la pointe du crayon ne sont pas discriminés, puisque ce sont les « fanatiques ». Peut-être, mais en raillant Mahomet, ce n’est pas « les fanatiques » que l’on moque, ce sont bien les musulmans. Et la France d’aujourd’hui exhale assez de relents racistes nauséabonds contre les Arabes pour que je retienne un instant mon crayon.
(...)

Dernière objection que j’entends déjà : faut-il alors critiquer une œuvre théâtrale prétendument blasphématoire pour les chrétiens et manifester devant le théâtre de Paris avec les intégristes catholiques ? Je fais deux différences. D’abord, les populations attaquées, ou qui se sentent attaquées, ne sont pas dans la même situation dans la société française. Ensuite, une œuvre artistique, ou revendiquant ce statut, et un journal, ce n’est pas la même chose. Notre modestie de journalistes dût-elle en souffrir.

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