Un rapport de l’ONU alerte sur la stagnation des préjugés sexistes dans le monde. Entre autres chiffres, 25 % des interrogés estiment acceptable qu’un homme batte sa femme. La réaction d’Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes.
Les chiffres sont à pleurer. Lundi 12 juin, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) publiait une version actualisée du rapport de l’Indice des normes sociales de genre (GSNI). Basé sur un travail de l’enquête mondiale sur les valeurs (World Value Survey), qui concerne 80 pays et 85 % de la population mondiale, il révèle une stagnation des préjugés sexistes depuis dix ans. Les réponses placent encore invariablement l’homme au-dessus de la femme, dominée dans les domaines sociaux, politiques, économiques. Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, accueille la nouvelle avec un discours qu’elle désire optimiste. Elle n’en démord pas : le féminisme est un combat majeur et universel, quoi qu’il arrive et peu importe le temps qu’il prendra. (...)
c’est globalement toujours la même chose : le chef, c’est l’homme. Et ce, depuis la préhistoire, selon les travaux de Françoise Héritier. L’anthropologue associait les débuts des inégalités de genre à la croyance que les hommes étaient les seuls à détenir la capacité de se reproduire.
Depuis, l’on sait que les appareils reproductifs sont masculins et féminins. Ça n’a pas dissous le patriarcat, qui s’est renforcé à travers les âges. Il n’a pas le même visage, mais les mêmes dynamiques de contrôle et de domination. Toutefois, les progrès de ces dernières années auraient pu avoir une traduction plus forte sur l’état d’esprit mondial. Les courants comme #MeToo ont traversé les pays, les cultures, et touché beaucoup de monde. (...)
Le Covid et la réforme des retraites ne nous aident pas, certes. Si l’on se réfère aux statistiques, il faudrait encore attendre plus de deux cents ans. C’est énorme du point de vue d’une vie. Du point de vue de l’humanité, c’est dans plus si longtemps. La dynamique va plutôt dans le bon sens. Et puis, ce sont des sujets qui existent au niveau international. On juge les pays à l’aune de leurs succès en faveur de l’égalité homme-femme. Cela veut bien dire que la thématique est dans l’ère du temps. Il faut que ça le reste : si, un jour, il s’avère que la lutte des femmes est passée de mode, on risque régresser à une vitesse folle. (...)
Il faut qu’il y ait un tiers de femmes au sein d’une assemblée pour voir émerger des sujets qui les concernent. (...)
les femmes sont beaucoup plus visées et de manière plus violente par le cyberharcèlement. Quand vous écoutez des femmes politiques, elles vous expliquent à quel point c’est difficile pour elles. Pour les hommes aussi, les réseaux sociaux sont violents, mais pas à la même intensité. (...)
Vingt-cinq pour cent de la population interrogée estiment qu’il est acceptable qu’un homme batte sa femme. Comment venir à bout des violences physiques ?
Il faut des lois et les appliquer, mais il faut également une condamnation sociale. À partir du moment où l’on est d’accord avec une gifle, qu’elle vienne d’Adrien Quatennens ou d’un autre, on a déjà dépassé la ligne rouge. Il faut une condamnation plus forte. Il faut que ce soit intolérable que quelqu’un qui a été violent représente la nation. Tant qu’on l’accepte, qu’on le tolère socialement, ça ne changera pas. Il y a bien la prison et les peines mais il y a des messages qu’on envoie aussi par des décisions politiques.
On ne traite pas d’un phénomène inéluctable comme la météo. Il s’agit de décisions prises par des collectifs humains. On peut décider d’arrêter de maltraiter les femmes. Le coût européen des violences faites aux femmes est estimé à 16 milliards d’euros. Celles et ceux qui ne pensent qu’à l’argent pourraient peut-être rejoindre notre camp ?