
La BCE a annoncé le jeudi 4 septembre 2014 qu’elle maintenait en les approfondissant les mesures adoptées à la réunion du 5 juin 2014. Elle fait cela dans un contexte d’échec patent des politiques qu’elle applique depuis le début de la crise |1
L’Italie est en récession : le PIB a reculé de 0,2 % au deuxième trimestre 2014, après une baisse de 0,1 % au précédent |2|.
Au Portugal qu’on disait sorti d’affaire, la quasi banqueroute de la deuxième banque du pays, Banco Espirito Santo (un véritable empire économique à l’échelle de ce pays) entraîne un coût énorme pour le Trésor public qui une nouvelle fois socialise les pertes. En Allemagne, la production industrielle n’a augmenté que de 0,3 % en juin 2014, alors qu’on annonçait une hausse de 1,2 %.
Sur un an, l’activité industrielle allemande s’est contractée de 0,5 % (+ 0,3 % attendu). L’inflation, est tombée à 0,3 % en aout 2014 dans la zone euro alors que la BCE est selon ses statuts tenue de rapprocher le taux d’inflation de 2%.
Dans la zone de la monnaie unique, le taux de chômage se maintient au niveau élevé de 12%.
Malgré des résultats économiques mauvais, Mario Draghi reçoit les éloges des grands médias. Dans la suite de cet article sont analysées les mesures prises par la BCE depuis juin 2014. Cet article complète la série intitulée : Les États au service des banques au prétexte du « Too big to fail » (elle comprend 8 parties) qui est publiée sur www.cadtm.org.
Au lendemain d’une importante réunion de la BCE, le quotidien Le Monde ne tarissait pas d’éloge à l’égard du président de l’institution financière basée à Francfort : « Mario Draghi a fait preuve, une fois de plus, jeudi 5 juin, de la maestria avec laquelle il pilote la Banque centrale européenne. Plus que jamais, l’Italien est au rendez-vous : l’homme qu’il faut à l’endroit où il faut. » |3|(voir l’encadré sur le CV de Mario Draghi)
Le Financial Times et l’ensemble de la presse dominante ont abondé dans le même sens. Les marchés financiers ont réagi très positivement, les Bourses ont frémi d’aise. (...)
L’économie européenne est tombée dans le piège de la liquidité
A cause des politiques menées par les banques centrales et les gouvernements, l’économie des pays les plus industrialisés est tombée dans ce que Keynes appelait le piège de la liquidité. Alors que les banques centrales injectent des liquidités et baissent les taux d’intérêt, les banques et les grandes entreprises privées préfèrent garder ces liquidités à portée de la main, pour faire face à des coups durs liés aux bombes à retardement qu’elles détiennent dans leur bilan et aux nouvelles bulles qu’elles contribuent activement à fabriquer |14|. Les entreprises industrielles et de services considèrent que cela ne vaut pas la peine d’investir puisque la demande privée et publique est anémique. Elles s’assoient pour ainsi dire sur un énorme tas de liquidités ou les utilisent pour spéculer. Les entreprises européennes détenaient en 2012 en liquide 2 400 milliards d’euros (soit 16 fois le budget annuel de l’Union européenne !) |15|. C’est du jamais vu.
Selon Keynes, pour sortir du piège de la liquidité, il faut que les gouvernements augmentent les dépenses publiques afin de relancer la demande et, du coup, l’économie. (...)
Mais de cela, les banquiers centraux et les gouvernements ne veulent pas en entendre parler parce qu’ils veulent aller plus loin dans les attaques contre les conquêtes sociales. (...)
Mario Draghi a multiplié récemment les déclarations |16| et les initiatives allant dans le sens d’une plus grande austérité budgétaire et d’un développement des mesures structurelles de précarisation des mécanismes de protection sociale et de solidarité collective : plus grande flexibilisation des contrats de travail afin de faciliter les licenciements, de réduire les salaires, d’augmenter l’intensité et la durée du travail, attaques contre les retraites...
Le rapport annuel de la Banque des règlements internationaux (BRI) publié en juin 2014 va exactement dans la même direction (...)
la politique de la BCE est à la fois illégitime, odieuse, insoutenable et illégale.
Elle est illégitime parce qu’elle favorise une infime minorité de la population, qui de surcroît est responsable de la crise et en tire profit. Elle est illégitime parce qu’elle porte préjudice à l’écrasante majorité de la population. Cette politique de la BCE est d’autant plus illégitime que ceux qui la conçoivent sont conscients de ce qui précède.
Dans le cas des pays soumis aux mémorandums imposés par la Troïka dont la BCE constitue un acteur central, cette politique est odieuse car elle viole des conventions et des traités sur les droits humains (économiques, sociaux, civils et politiques) et qu’elle est imposée par des institutions qui n’ont pas été mandatées par le peuple pour poser de tels actes.
Cette politique est également insoutenable |20| car elle conduit à l’appauvrissement d’une grande partie de la population, à une dégradation de la santé et de l’éducation publique, à l’augmentation du chômage…
Enfin, cette politique est illégale car elle ne respecte pas les statuts de la BCE (statuts que nous réprouvons par ailleurs). Par exemple, mais ceci n’est pas exhaustif, la BCE n’a aucun mandat dans ses statuts pour intervenir dans les relations de travail. Or de manière permanente, elle cherche à dicter des modifications des lois concernant le droit du travail.
Il faut revoir complètement la politique monétaire ainsi que le statut et la pratique de la BCE. (...)