
Mercredi 21 et jeudi 22 février s’est tenu le procès en correctionnel de quatre policiers du 12ème arrondissement de Paris. Plusieurs adolescents de la cité Rozanoff les accusent de violences volontaires. Récit du deuxième jour d’audience.
La dernière journée d’audience du procès des quatre policiers du 12ème arrondissement de Paris aura duré plus de dix heures. Cette fois-ci, les fait examinés remontent à janvier et mai 2015.
Le premier cas de violences policières présumées remonte au 3 janvier 2015. Y.M., alors âgé de 18 ans, celui-là même qui témoignait mercredi pour d’autres faits présumés de violences, se trouve avec des amis au niveau de la piscine Jean Boiteux. Il est 22 heures. Un véhicule du Groupe de Sécurité de Proximité (GSP) s’approche. Y.M. dit avoir été saisi par le bras alors qu’il se dirigeait vers son immeuble. “En arrivant près de chez moi, un policier m’a plaqué contre le mur. Il m’a fait une clé de bras. Je n’avais rien fait, il a fait ça gratuitement”. Y.M. témoigne avoir été par la suite étranglé et avoir reçu un coup de poing sur la pommette droite. Y.M. habite au 8ème étage, il appelle sa mère. Elle, croyant que c’était “une bagarre entre copains”, se penche au balcon. “Ils m’ont frappé, ils m’ont frappé”, lui crie son fils. Elle descend et le ton monte avec les policiers. La maman exige de voir leur numéro de matricule. “Nous n’en avions pas à l’époque”, dira un policier appelé à la barre. Y.M. raconte que les policiers ont aussi insulté sa mère.
Les dénonciations du brigadier-chef sur la violence de ses collègues
Si les policiers n’ont pas souvenir des coups évoqués par Y.M. ce soir-là, ils se souviennent surtout de la présence de cette maman qui voulait “faire scandale” et remonter leurs pratiques à l’Inspection Générale des Services. La procureure rappelle qu’il y avait des moyens de faire descendre les tensions : “Il n’y avait aucun moyen de vous identifier ce jour-là ?” demande-t-elle à Pierre A., policier mis en cause. Il répond par la négative et explique ne pas avoir envie de donner son nom. “Et votre service, votre unité“, insiste la procureure. “La maman le sait très bien, je pense”. Dans leur déclaration à l’IGPN, en revenant sur leur confrontation avec la mère de Y.M., les policiers disent se souvenir que “ça nous a fait rire”. “Pas elle, la situation”, expliquera l’un des policiers à la barre.
Plus tard, le réquisitoire de Me Slim Ben Achour fera référence à l’absence de pratique d’apaisement chez les policiers. Jointe au dossier, il y a aussi la déclaration d’un autre policier de la brigade des Tigres, le brigadier-chef. Il dénonce la violence de ses collègues, “surtout le groupe 1”. (...)
Chaque policier exprime son désarroi dans ce procès. Ils évoquent les répercussions sur leur famille et dans leur vie professionnelle. Franck P. s’estime “beaucoup plus victime” et juge que sa “place n’est pas là”. Thomas F. poursuit : “Dix ans de police, quinze ans de travail dans l’insécurité, se retrouver ici à la barre… Séquestration, attouchement sexuel, c’est pour les criminels. Et nous, on n’est pas des criminels. On n’a fait comme on a pu”. Et la juge de souligner : “C’est pas pareil du bon travail et comme on a pu”.
Nos gamins, ces indésirables
Ils sont quatre avocats à plaider pour les parties civiles. Me Michel Tubiana ouvre les réquisitoires en dénonçant l’enquête de l’IGPN, cette singularité française, qui consiste en “l’enquête des siens par les siens”. Il reproche aux policiers de ne pas vouloir reconnaître que les yeux de J.B. sur la photo qui leur est présentée ne sont pas dans un état normal. “Vous arrivez avec un seul avocat comme si votre parole n’était qu’une alors que vous êtes 4 personnes différentes”, poursuit-il.
Il critique le processus de criminalisation des adolescents de la part de la défense. “Le fait même que vous fassiez adopter cette ligne de défense en dit long. Sur l’appréciation que vous portez sur votre pouvoir et sur l’état de droit : comme si vous disiez au tribunal, ‘vous n’allez pas nous sanctionner pour ces délinquants’”. (...)
Le parquet requiert cinq mois de prison avec sursis possible et l’interdiction d’exercer pendant trois mois pour Thomas F. Pour Pierre A., trois mois de prison avec possibilité de sursis sont requis. Concernant les faits de mai 2015, le parquet requiert cinq mois de prison avec possibilité de sursis pour Franck P. et la relaxe de Cédric B.
Jugement rendu le 4 avril (...)