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Surveillance sonore : nous attaquons l’expérimentation d’Orléans
/La quadrature du net
Article mis en ligne le 15 décembre 2021

Nous venons de déposer un recours contre l’expérimentation de la ville d’Orléans pour installer des micros sur ses caméras et détecter des sons « anormaux ».

Comme nous le décrivions la semaine dernière, la ville d’Orléans va équiper plusieurs de ses caméras de mouchards, c’est-à-dire de micros, pour détecter des sons « anormaux », ce qui avait pourtant déjà été déclaré illégal par la CNIL à Saint-Étienne il y a deux ans. Nous envoyons donc à la CNIL une copie de ce recours. Elle ne peut désormais plus rester les bras croisés face à ce nouveau genre de surveillance illégale.

Nous l’avions dénoncé la semaine dernière, à côté du déploiement de la vidéosurveillance automatisée de l’espace public se développe un autre type de surveillance algorithmique : la surveillance sonore.

Comme pour la vidéosurveillance, il s’agit de déployer des capteurs pour détecter des évènements dits « anormaux » (cris, détonations, hausse du ton de la voix…) et pouvoir orienter la police si besoin. Le plus souvent, ces capteurs sont directement liés aux caméras pour faciliter le travail des agents présents dans le centre de surveillance : les capteurs sonores les aident à diriger les caméras vers le bon endroit pour identifier la source du bruit.

Bref, une Technopolice qui ne se contente plus seulement d’épier mais qui veut désormais écouter, et réduire au silence. (...)

Comme tout dispositif de Technopolice, l’anormalité n’est donc jamais précisément définie et laissée à la libre interprétation de la police ou de l’entreprise privée – au dépend de la population et de l’État de droit.

Le tout est « gracieusement offert » par l’entreprise à la ville, exactement comme pour les portiques de reconnaissance faciale dans les lycées de Nice et Marseille, ou la surveillance automatisée à Valenciennes. La ville prête sa population en tant que cobaye forcée à une entreprise de surveillance pour qu’elle puisse développer ses produits et en faire la promotion.
La CNIL reste sourde

Nous l’avions aussi rappelé : la CNIL a clairement déclaré illégale une expérimentation semblable ayant lieu à Saint-Étienne (nous avions eu communication du courrier, publié ici), c’est-à-dire une expérimentation en ville de capteurs sonores de « bruits anormaux » liés à des caméras de vidéosurveillance. L’autorité avait notamment considéré qu’il n’existait aucun texte permettant le déploiement de tels dispositifs de surveillance sonore et en avait conclu à leur illégalité.

Pourtant, depuis que le projet a officiellement et fièrement été annoncé par la mairie dans la presse il y a plus de deux mois, aucune communication de la CNIL n’est sortie pour dénoncer l’illégalité du projet.

Encore plus inquiétant : le site de Sensivic revendique des expérimentations dans plusieurs villes de France, sans que ne soit à un moment précisé quel dispositif est installé et où : Menton, Rognac, Valbonne…

Le silence de la CNIL, comme de toute autorité de contrôle, nous oblige à intervenir, aussi bien devant le tribunal administratif pour faire annuler cette convention d’expérimentation que devant la CNIL directement pour la forcer à appliquer de nouveau sa décision (...)

la ville d’Orléans a-t-elle communiqué avec la CNIL ? L’autorité a-t-elle commencé un contrôle, y a-t-il eu un avertissement de sa part ou même des inquiétudes sur l’installation des capteurs sonores ? La CNIL n’a pas communiqué dessus. Nous lui avons adressé une demande CADA qui est pour l’instant restée sans réponse.

Les insuffisances de la CNIL en matière de surveillance de l’espace public sont criantes : pendant plusieurs années, la police aura ainsi pu utiliser illégalement des drones sans que la CNIL ne s’en émeuve le moins du monde (elle se réveillera seulement après deux décisions du Conseil d’État suite à nos actions devant les tribunaux). Rien non plus sur Veesion, cette entreprise qui surveille le comportement des personnes dans les supermarchés. La liste est longue.

Et même quand elle agit, son action n’apparaît malheureusement pas suffisante pour restreindre le déploiement de cette Technopolice. (...)

C’est pourquoi nous déposons un recours non seulement devant la CNIL pour la forcer à faire respecter sa propre décision, mais également devant le tribunal administratif. La procédure devant le tribunal administratif nous permet d’être partie au contentieux, c’est-à-dire d’avoir accès aux pièces et de pouvoir répondre aux arguments d’Orléans et de l’entreprise – ce qu’une procédure devant la CNIL ne permet malheureusement pas. (...)