
Élection surprise, dont les thèmes de campagne ne furent lu le 8 en tant que 45 novembre 2016, Donald Trump a pris ses fonctions, e président des États-Unis, le 20 janvier 2017.
pas sans rappeler ceux du Brexit britannique dont le résultat surprit
également quelques mois plus tôt. Tout a été dit sur le caractère
pittoresque et fantasque du personnage, au point qu’il n’est pas
nécessaire de s’y attarder, sauf à retenir, ce que la suite confrmera,
l’absence de vision claire, l’imprécision, l’impréparation, l’incohérence
et l’imprévisibilité des positions. Bref, la hantise des chancelleries et
des chargés du protocole qui adorent le bon déroulement des choses
bien préparées
Cette élection et la campagne qui l’a précédée confrment un
grand chamboulement dans le système de valeurs sur lequel le monde
occidental s’était constitué. Donald Trump a réussi à imposer quatre
thèmes majeurs qui ont constitué le moteur de sa victoire. En réalité un
constat et trois causes. Il a surfé sur le thème du déclin des États-Unis
dans le monde et sur la nécessité de retrouver la grandeur passée.
Le mot d’ordre « America First ! » ft merveille et rencontra l’adhésion de
tous les déclassés et délaissés d’une opulence qui ne proftait qu’à
certains. Il sufsait de pointer les responsables de ce déclin pour
alimenter les thèmes de campagne. Tout d’abord la mondialisation
qui avait dévasté le pays, sinistré des bassins d’emplois et avait
surtout enrichi les autres sur le dos des États-Unis. Les accords
commerciaux devaient être dénoncés et renégociés au cas par cas,
dans l’intérêt du pays. Le libre-échange devait être abandonné et
le recours au protectionnisme envisagé. L’idéologie mondialiste à
l’œuvre depuis Reagan et Thatcher devait être tenue pour suspecte.
Les responsables de cette situation, les élites, devaient être dénoncés.
Démagogie classique qui ft merveille chez des couches importantes
de population qui se sentent depuis longtemps délaissées. Les
guerres extérieures, sans fn, sans but clair et incapables d’apporter
la moindre ferté patriotique au pays furent critiquées. Enfn, le pays
en déclin, enlisé dans des guerres lointaines incompréhensibles
était dans le même temps envahi par des migrants, notamment
hispaniques. C’est de l’ennemi intérieur qu’il fallait s’occuper et en
chasser à coups de menton pas moins de onze millions.
Ce cocktail d’arguments terriblement efcace emporta la
victoire. Le monde occidental, confronté aux mêmes problématiques,
prit conscience que ces thèmes faisaient également des ravages
politiques, notamment dans une Europe en crise économique, à
zone euro atone, confrontée à des politiques austéritaires et donc en
perte de légitimité et plongée dans une interrogation existentielle
après le vote britannique en faveur du Brexit et la montée de
courants eurosceptiques. Bref, ce qui s’était passé au Royaume-Uni
et aux États-Unis ne relevait peut-être pas de l’exception singulière
et pouvait avoir vocation à s’étendre. D’où la vive inquiétude qui
s’empara des chancelleries, jusqu’à Pékin et Moscou, d’autant que
le candidat s’était permis de nombreuses saillies et rodomontades
sur les affaires internationales au cours de sa campagne.
Mais bien vite, une fois élu, le Président se heurta aux réalités du
monde et dut en rabattre. Il comprit vite qu’il ne fallait pas trop fâcher
la Chine qui n’était pas démunie d’atouts dans une confrontation.
Il a dû vite rassurer Xi Jinping que s’il s’était bien entretenu avec
la Présidente de Taïwan, qui avait eu l’habileté de l’appeler, il ne
remettrait pas en cause la politique de Washington d’une seule
Chine. Malgré son secrétaire à la Défense, le général James Mattis,
connu pour sa franche hostilité à l’Iran, Donald Trump respectera l’accord de Vienne sur le nucléaire concernant ce pays, et manifestera
simplement son extrême vigilance sur son application. Après avoir
traité l’Otan d’obsolète, il se contentera de menacer de ne pas faire
jouer l’assistance automatique si le pays membre ne participe pas
sufsamment à l’effort du « partage du fardeau », soit 2 % du PIB. Cela
fait quarante ans que les États-Unis tiennent ce discours. Les velléités
d’expulsions d’Hispaniques furent bien vite ramenées à un chiffre
comparable à ce qui avait été fait par Obama. Quant au Mur de la
frontière mexicaine, s’il reste dans les intentions, on peut imaginer
qu’il connaîtra beaucoup de vicissitudes. De même, il n’est plus
question de déplacer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem.
Quant à l’existence d’un État palestinien aux côtés d’Israël ou d’un seul
État réunifé, aucun diplomate n’est en mesure de comprendre les
intentions de Washington. La collaboration renforcée annoncée avec
Moscou semble pour l’instant se concrétiser uniquement à travers
une présence militaire renforcée en Syrie et plus de coordination sur
le terrain.
Le rapprochement semble se manifester uniquement dans
la lutte contre l’islamisme radical, thème sur lequel la Chine pourrait
venir s’associer. Sur nombre de points abordés lors de la campagne
et qui avaient fortement inquiété, le nuage de poussière s’est dissipé
et c’est plutôt une reculade qui apparaît.
Par contre d’autres mesures annoncées furent appliquées, notamment la dénonciation du Partenariat transpacifque (TPP) à la grande joie de la Chine qui a
toujours considéré que ce traité l’excluant était tourné contre elle. Ce
qui permit à Xi Jinping de faire à front renversé, devant un parterre
incrédule, l’éloge du libre-échange à Davos.
Néanmoins, l’ensemble du discours sur l’international traduit
des revirements importants et porte des conceptions dangereuses
confrmées par des premières mesures. La contribution au budget
de l’ONU est sérieusement menacée. La préparation du prochain
budget comporte des indications sans équivoques. Il ne s’agit ni
plus ni moins que d’assurer la sécurité américaine au travers d’une
augmentation du budget de Défense sans précédent, soit près de
10 %, l’amenant à plus de 600 milliards de $ en 2018, à hauteur d’un
peu plus d’un tiers des dépenses mondiales. Certes, on peut relativiser,
car comparée au sommet atteint trente ans avant en 1988, cette
somme représente aujourd’hui un peu moins de 4 % alors qu’elle
dépassait alors 8 % du PIB. Il s’agit sans conteste d’afirmer encore plus
une suprématie militaire. Cette orientation n’exclut pas les critiques
contre les engagements militaires décidés par ses prédécesseurs.
et qu’il n’assume pas, les rendant pour partie responsables de l’état
détestable dans lequel se trouve le pays. En ce sens, il reste bien sur
une ligne isolationniste, à rebours de ce qu’aurait été une diplomatie
d’Hillary Clinton. Redonner à l’Amérique sa grandeur ne doit pas être
compris au sens d’aller guerroyer aux quatre coins du monde pour
imposer un modèle ou civiliser le monde. Par contre, éventuellement
pour aller défendre ses intérêts nationaux. La Chine et la Russie
seront ses principaux partenaires. L’Europe reste secondaire pour
les États-Unis. Trump ne cherche pas à aider Merkel à se faire réélire
et sa visite à Washington a été un fasco car elle n’a rien obtenu et
n’a pu montrer qu’elle pouvait « modérer » Trump.
Cette orientation budgétaire se fait au détriment de la
diplomatie, la culture, la santé et surtout l’environnement. L’Agence
de protection de l’environnement (EPA) pourrait être amputée de
2,6 milliards $ sur les 8,3 milliards actuels, soit environ une baisse
de 30 %. Car il est un domaine où les convictions du Président sont
afchées. C’est un climato-sceptique, très dépendant des lobbies
pétroliers, qui cherchera à revenir sur l’Accord de Paris (COP21) ou
se dispensera de l’appliquer, entraînant dans son sillage d’autres
États, ravis de l’aubaine.
Cette présidence qui démarre n’a pas encore pris toutes ses
marques et beaucoup de questions restent dans l’incertitude. Le
rapport au monde de Donald Trump sera difcile et dangereux
d’autant plus qu’il s’est mis à dos tous ses services de renseignement,
essentiels dans ce domaine, et qu’ils n’hésiteront peut-être pas à
le mettre délibérément en difculté. Assurément, une rupture se
confrme qui concernera tout l’Occident.
On regrettera Obama, mais on se consolera en se disant que
ça aurait pu être pire avec Hillary Clinton.