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OrientXXI
Tant que l’Occident fabriquera des terroristes, il y aura des attentats
Article mis en ligne le 23 juin 2017
dernière modification le 22 juin 2017

Avant-hier une bombe explosait à Bagdad, hier des tueurs sévissaient à Londres, aujourd’hui une voiture s’attaque à la police à Paris, et demain ? Quinze ans après le déclenchement de la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis et relayée par la plupart des pays occidentaux dont la France, on compte de plus en plus d’attaques qualifiées de « terroristes ». N’est-il pas temps pour l’Occident de s’interroger sur ses responsabilités, sur l’inefficacité avérée des « solutions » policières et militaires contre le djihadisme et sur sa responsabilité dans la « fabrication des terroristes » ?

En Europe, depuis leur apparition en 2014 au lendemain du début de la campagne aérienne de la coalition dirigée par les États-Unis contre l’organisation de l’État islamique (OEI), les attentats qui lui sont liés ont fait à ce jour 331 victimes, dont 239 en France, 37 au Royaume-Uni, 36 en Belgique, 12 en Allemagne, 5 en Suède, 2 au Danemark.

En Irak, les attentats commis par cette organisation djihadiste font une moyenne de 1 500 victimes chaque année au sein de la population civile, en dehors des combats qui l’opposent à l’armée irakienne et à ses alliés. Dans les autres pays arabo-musulmans touchés par l’OEI et ses filiales locales, même si le bilan est inférieur, il s’agit néanmoins de plusieurs centaines de morts par an, de la Tunisie à l’Afghanistan en passant par le Yémen.

Depuis son lancement à la suite des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis (2 993 morts), la « guerre contre le terrorisme » initiée par Georges W.Bush a fait entre 500 000 et un million de victimes, même si elle a aussi et surtout servi de prétexte aux ambitions idéologiques et économiques des néoconservateurs américains alors au pouvoir. Depuis cette date également, on dénombre 544 décès en Europe par attentats djihadistes et 111 aux États-Unis, soit un total de 655. C’est-à-dire que pour 1 000 victimes de cette guerre en Orient, dont quelques-unes seulement sont des djihadistes, il y a une victime en Occident. Discours de propagande de l’OEI ou d’Al-Qaida ? Non, simplement les faits. (...)

LE PRIX À PAYER

Le 11 septembre 2001 n’était lui-même qu’un crescendo dans la série d’attentats qu’Al-Qaida avait perpétrés dès 1992 contre les États-Unis en Afrique, en Arabie saoudite, au Yémen, aux Philippines et déjà aux États-Unis même. Ils ont certes été beaucoup plus importants que les précédents, mais ils s’inscrivaient dans leur continuité. Ils n’étaient pas un phénomène nouveau dans leur principe. Tous ces attentats, 11-Septembre compris, étaient en effet une « réponse » au déploiement militaire américain massif en Arabie saoudite après l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990, et plus encore aux 500 000 à 700 000 victimes civiles provoquées par l’embargo sur l’Irak qui s’en était suivi pendant la décennie 1990. Madeleine Allbright, alors secrétaire d’État, avait commenté en 1996 une estimation de la FAO évaluant le nombre des victimes à un demi-million par un « le prix en vaut la peine ». (...)

Très rares malheureusement sont les politiciens occidentaux qui osent dire que l’Occident doit s’interroger sur sa part de responsabilité dans le développement du djihadisme jusque chez lui. Au Royaume-Uni, le leader travailliste Jeremy Corbyn, en pleine campagne électorale en mai dernier pour le renouvellement de la chambre des communes, a pris le risque politique de faire publiquement le lien entre ce que fait son pays en Orient et l’accroissement des attentats sur son sol :

De nombreux experts, y compris les professionnels de nos services de renseignement et de sécurité, ont souligné les liens entre les guerres que notre gouvernement a soutenues ou faites dans d’autres pays et le terrorisme ici chez nous. Cette évaluation ne réduit en rien la culpabilité de ceux qui attaquent nos enfants. […] Mais une compréhension bien informée des causes du terrorisme est une partie essentielle d’une réponse efficace qui protégera la sécurité de notre population en combattant plutôt qu’en alimentant le terrorisme1.
En France, le candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron soulignait quant à lui sur son site de campagne que « les réseaux terroristes d’Al-Qaida et de Daech constituent un enjeu stratégique pour la France (…) Cela étant posé, il faut comprendre en quoi, en France, il y a un terreau, et en quoi ce ‟terreau” est notre responsabilité ». Plus précisément, il posait la question des dysfonctionnements de la société française qui alimentent ce terreau (...)

À la question : le djihadisme s’attaque-t-il en Occident à des valeurs ? La réponse est : pas à celles qui y sont proclamées, mais à la façon dont elles sont appliquées. Que ce soit en Occident ou en Orient, les seules solutions policières et militaires contre le djihadisme conduiront toujours à une impasse et le nourriront toujours davantage. Tant que l’Occident poursuivra des politiques qui contribuent à fabriquer des terroristes « ici » et « là-bas », il y aura des attentats chez tous les promoteurs de la guerre —sans fin — contre le terrorisme.