Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
Taxe carbone : des associations écolos proposent un « revenu climat » pour les plus modestes
Article mis en ligne le 6 avril 2019

La hausse de la taxe sur les carburants a frappé de plein fouet les classes populaires, tandis que les secteurs les plus polluants, comme l’aviation, restent les moins prélevés. Pour réconcilier fiscalité écologique et justice sociale, le Réseau action climat propose la création d’un « revenu climat » versé aux ménages les moins favorisés.

Comment faire grimper le prix du carbone pour décourager les activités les plus polluantes, tout en protégeant les ménages les plus modestes ? C’est à ce casse-tête économique que se sont attelé les associations du Réseau action climat (Rac), alors que la mobilisation des Gilets jaunes se poursuit et que les conclusions du « grand débat national » devraient être bientôt dévoilées.

Premier constat, présenté lors d’une conférence de presse jeudi 4 avril, la fiscalité carbone mise en œuvre par le gouvernement n’est ni efficace, ni écologique, ni équitable socialement. (...)

Nous proposons plutôt une taxe sur les billets de tous les avions qui décollent de France, qui serait modulée en fonction de la distance de vol et de la classe du passager. » Selon le Rac, une taxe de ce type a déjà été mise en place au Royaume-Uni, où elle permet de lever 4 milliards d’euros par an. (...)

Autre inégalité criante, l’écart entre les prix du carbone en France et en Europe. Les grandes entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre paient la tonne de CO2 21 euros, via le système européen d’échange de quotas. Un prix bien inférieur aux 44 euros la tonne de CO2, payés par les ménages et les petites et moyennes entreprises via la taxe carbone française. « C’est inaudible », dénonce Meike Fink, qui préconise un rattrapage progressif, avec un gain fiscal pour la France de 2,4 milliards d’euros.

Pour le Rac, le rééquilibrage de la balance passe aussi par la redistribution d’une partie de ces revenus supplémentaires de la taxe carbone, via un « revenu climat » destiné aux ménages les plus modestes. « 60 % des ménages recevraient ce revenu, pour ne pas pâtir de la hausse des prix de l’énergie. L’avantage de ce format est qu’il conserve le caractère incitatif de la taxe, tout en accordant aux gens plus de temps pour s’adapter en fonction de la réalité de leurs revenus », explique Kévin Puisieux, de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH).

Concrètement, le montant du « revenu climat » distribué dépendrait des revenus du ménage, de sa composition et du lieu de vie. (...)

Enfin, le Rac propose que le solde des recettes de la taxe carbone soit dédié au financement de la transition écologique. Selon l’Institute for Climate Economics (I4CE), il manque chaque année 10 à 30 milliards d’euros, dont un tiers de financements publics, pour atteindre les objectifs climatiques que la France s’est fixé.

L’économiste de l’énergie Audrey Berry, qui a soutenu en 2018 sa thèse intitulée « Essais sur la précarité énergétique : mesures multidimensionnelles et impacts de la fiscalité carbone », a assuré tous les calculs. (...)

Plusieurs organisations ont émis des propositions ces derniers mois, comme l’Iddri, le Comité pour la fiscalité écologique, l’Observatoire français des conjonctures économiques, etc. Toutes convergent sur la nécessité de la justice sociale, qui est un objectif en soi mais aussi la condition de l’acceptabilité de cette taxe. »

« Les plus modestes ne doivent pas servir d’alibi à l’absence de transition écologique » (...)

Signe de la volonté de jeter un pont entre les deux combats, social et environnemental, Priscillia Ludosky, figure du mouvement des Gilets jaunes, était présente à la conférence. « Cela fait presque un an maintenant que j’ai lancé une pétition sur la TICPE [taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques], en demandant la transparence sur ce qu’elle finançait, rappelle-t-elle. Fin novembre, le ministre de la Transition écologique François de Rugy nous a reçus Éric Drouet et moi, mais ne nous a pas apporté de réponse claire. Cette proposition du Rac est intéressante car elle témoigne de la volonté de laisser aux gens le temps de changer de voiture, de mode de consommation. Pas comme la TICPE, qui s’acharne toujours sur les mêmes, les automobilistes en premier lieu, alors que les secteurs du transport aérien, du transport maritime, de l’agriculture et du transport routier de marchandises sont exonérés. Nous devrions tous êtres logés à la même enseigne. » (...)