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Thierry Lévy. Prison : le fond de l’enfer.
« C’est comme si à l’hôpital vous arriviez avec un bras cassé et qu’on vous cassait l’autre. »
Article mis en ligne le 17 mai 2012
dernière modification le 15 mai 2012

Thierry Lévy, célèbre avocat pénaliste, trouve la prison inacceptable moralement et injustifiable socialement. Pour lui, elle a depuis longtemps prouvé son inefficacité et sa nocivité. Partisan de son abolition, il milite pour l’application d’autres moyens pour neutraliser les criminels.

Vous avez été président de l’Observatoire international des prisons (OIP). Pourquoi avez-vous accepté cette responsabilité ?

La première fois que je suis entré dans une prison, c’était à Fresnes, il y a très longtemps, et je me souviens de ce grand couloir qui monte vers le fond de l’enfer. Quand je marchais dans ce couloir très large pavé de bois, avec les détenus qui longent les murs en tirant leur paquetage, je me suis rendu compte qu’on était en présence de quelque chose d’inacceptable, d’intolérable, que le fait même de faire d’un être humain un prisonnier était insupportable. Depuis, je suis partisan de l’abolition de la prison. La détention m’apparaît comme une chose injustifiable moralement mais également d’un point de vue social, politique et juridique. (...)

il y a en chacun de nous un profond désir de punir, et ce désir est actuellement incarné par la prison. Nous avons tous une prison dans la tête, c’est ce qui fait la force de cette institution, en tous points condamnable. (...)

Il faut savoir que la prison est un lieu dans lequel on détient des gens qui, dans le plus grand nombre des cas, ont commis des infractions sans gravité. Dans le cas d’infractions graves, leurs auteurs pourraient être soumis à un régime de contrôle très différent. La prison a démontré son inefficacité et sa nocivité. Sauf sur un point : celui de neutraliser les gens pendant la durée de détention. Il existe d’autres moyens de le faire qu’avec des murs. (...)

Les solutions alternatives sont connues. Elles sont très nombreuses : le bracelet électronique, la biométrie, toutes les possibilités qui existent déjà d’empêcher les gens de se déplacer, de fréquenter certains lieux, de rencontrer certaines personnes. Le problème, c’est que ces mesures sont considérées à la fois comme trop dures et pas assez.
(...)

Les cas compliqués, il y en a très peu. Actuellement 1 000 personnes purgent des peines pour des atteintes graves à l’intégrité physique des personnes. Il est évident que les gens très violents doivent être contrôlés, c’est sûr. Si on prenait la décision de réserver la détention à ces quelques cas, on s’intéresserait réellement à la manière de changer la vie des gens entre quatre murs (...)

L’idée qu’une fois entre quatre murs, le prisonnier réfléchit la tête entre les mains, se dit qu’il a commis une faute grave, demande pardon au ciel et prend conscience de ce qu’il a de bon en lui et peu à peu est accessible à d’autres approches est complètement inefficiente. Quand quelqu’un a commis un acte d’une gravité telle qu’il est exclu de la société, la seule chose qui fonctionne, c’est une véritable manifestation inattendue d’affection. (...)

Le langage de la réinsertion est trompeur car cela implique qu’il y ait eu insertion et qu’il faille revenir à une situation antérieure qui existait. Or, soit ces conditions de vie n’existaient pas de façon satisfaisante avant la prison, soit la prison n’a pu que détruire ce qui existait et, à la sortie, il n’y a plus rien. Cette idée de la réinsertion est complètement théorique et elle s’accompagne d’un discours peu intelligible pour le condamné.
(...)

Peu de gens le savent, mais le code du travail ne s’applique pas en prison.
(...)

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