
Il en pousse partout de nouveaux : Aéroville, l’Atoll, Europa City, So Ouest, My Place, Rives de l’Orne, Confluence… Les centres commerciaux ne connaissent pas la crise. La France est le pays d’Europe de l’Ouest où s’ouvrent le plus de ces mini-villes faites d’escalators et de galeries marchandes.
. En période de recul du pouvoir d’achat et de baisse de leur fréquentation, pourquoi ces temples de la consommation se multiplient-ils, malgré tout ? Quels profits en retirent leurs promoteurs ? Quels intérêts y trouvent les élus ? Enquête sur une nouvelle bulle spéculative. (...)
Le rythme de création des implantations commerciales ne cesse de s’accélérer depuis dix ans. « Tous les ans, la surface commerciale augmente de plus de 3% alors que la consommation évolue à moins de 1% », constate l’Assemblée des communautés de France, qui fédère les élus d’intercommunalités.
Certains projets rivalisent de gigantisme. (...)
Une bulle spéculative qui gonfle, qui gonfle !
Beaucoup de projets ont été initiés avant la crise de 2008. Mais de nouveaux ont été lancés depuis. (...)
Le risque est que nous soyons entrés dans une bulle spéculative du commerce, qui gonfle, qui gonfle, et qui est sans aucun lien avec la capacité locale de consommation. » D’où vient cette spéculation ? Les développeurs de centres commerciaux sont pour la plupart de grands groupes, actifs en Europe, voire au-delà. Des acteurs majeurs de la grande distribution, comme Carrefour (et sa filiale Carrefour Property), Auchan (via sa filiale Immochan, avec ses 342 centres commerciaux dans 12 pays). Ou des sociétés spécialisées dans le développement immobilier. (...)
Mais comment ces projets, en concurrence les uns avec les autres, peuvent-ils voir le jour ? Les centres commerciaux de plus de 1 000m2 nécessitent une autorisation spécifique pour s’implanter. Celle-ci est accordée par les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), qui les refusent rarement. (...)
« Sans modification du fonctionnement des CDAC et du mode d’autorisation des centres commerciaux, le phénomène des nouvelles ouvertures et de sur-offre ne peut que s’accélérer », conclut Bernard Loup. Les élus sont souvent favorables à ces projets, qui fournissent aussi aux territoires des revenus fiscaux conséquents. (...)
L’enjeu est aussi d’affirmer l’attractivité de sa commune face aux autres. « Un élu d’une ville de 20 000 habitants qui voit tous les samedis sa commune se vider parce que ses habitants vont à 50 kilomètres dans le grand centre commercial moderne voisin, se sent victime d’une double-peine. Il va perdre ses commerces de centre-ville et n’a aucun bénéfice en termes de développement. Il va alors ouvrir sa périphérie à des parcs commerciaux », résume Philippe Schmit. (...)
Recettes fiscales, attractivité du territoire, communication politique... Autant d’éléments qui poussent les élus à vouloir des centres commerciaux sur leur territoire. D’autant que ceux qui s’ouvrent en France sont vendus par leurs promoteurs comme des équipements de « nouvelle génération », toujours « innovants » et qui seraient des « lieux de vie ». Ils ressemblent moins aux anciens hypermarchés assortis d’une galerie marchande, et plus aux shoppings malls américains. Leur architecture, comme celle de l’Atoll d’Angers, change, nous assure-t-on, des centres classiques. Cette fois, le bâtiment est « unique et beau » comme le qualifie son promoteur, la Compagnie de Phalsbourg. Ces nouveaux centres peuvent même être « poétique(s) » avance le directeur de cette société, Philippe Journo, au sujet d’un nouveau projet près de Rennes. Et pourquoi pas « à la fois connecté, global et émotionnel », selon Altarea-Cogedim ! (...)