
Alors que les températures extérieures descendent dans le négatif, préfets et maires de France rivalisent de dégueulasserie dans le traitement qu’ils réservent à celles et ceux qui sont privés de logement. Qu’ils ferment des lieux d’accueil, refusent d’ouvrir des lieux de mise à l’abri ou envoient plus ou moins directement leurs flics harceler celles et ceux qui dorment dehors, tous ont en commun de se comporter de manière inhumaine. Passage en revue d’horreurs révélées dans les deux dernières semaines.
À Lyon, préfecture et mairie assument des places d’hébergement insuffisantes
Le vendredi 6 janvier, le collectif des professionnel.le.s de l’urgence sociale (PUS) alertait sur la non-ouverture d’un second gymnase pourtant manifestement nécessaire au vu du nombre de personnes contraintes de dormir dehors à Lyon. Le lendemain, l’adjointe au maire aux affaires sociales, Zohra Aït-Maten, confirmait malgré elle les informations du collectif, précisant que les services de la préfecture n’avaient pas jugé cette ouverture nécessaire. Les données sur lesquelles ces services s’appuient pour évaluer la nécessité sont inconnues et semblent assez inadaptées tant le nombre de personnes dormant dehors, environ 2000 à Lyon selon la FNARS, est important. Une semaine après, le collectif PUS lançait une seconde alerte sur la situation dramatique à Lyon. (...)
Le 19 janvier, le Samu social et les professionnel.le.s de l’urgence sociale étaient en grève et manifestaient pour dénoncer le manque de places d’hébergement dans le Rhône. Le 21 janvier, malgré des températures flirtant avec les -10°C, la préfecture ne mettait toujours pas tout en œuvre pour mettre à l’abri les personnes qui dorment dehors. (...)
À Paris, les policiers confisquent les couvertures de migrants qui dorment dehors
C’est Médecins sans Frontières qui a révélé cette hallucinante violence qui met directement les personnes en danger de mort en raison des températures glaciales qui règnent dans la capitale.
Les policiers harcèlent les migrants en leur confisquant leurs couvertures, utilisant parfois des gaz lacrymogènes pour les disperser, allant jusqu’à leur interdire de s’asseoir dans la file d’attente du centre humanitaire de la Chapelle où ils attendent une place d’hébergement. Ces pratiques inacceptables mettent en danger la vie des migrants : les équipes de Médecins Sans Frontières ont dû prendre en charge huit personnes proches de l’hypothermie.
Le ministre de l’intérieur, Bruno Le Roux, a défendu le travail des flics en assurant, sans rire, qu’ils allaient « continuer à (le) faire, avec toute l’humanité qui est consubstantielle à (leur) responsabilité » (...) Enlever à des personnes la morceau de tissu qui leur permet de se protéger un peu du froid, voilà une curieuse manière de les mettre à l’abri.
À Strasbourg, les policiers municipaux réveillent les SDF en voiture
C’est une vidéo amateur de 35 secondes qui révèle cette pratique dégueulasse. On y voit une voiture de la police municipale strasbourgeoise pénétrer dans un passage réservé aux piétons où des personnes se sont réfugiées pour dormir. Les policiers réveillent ces personnes avant de reculer rapidement vers la personne qui filme et de lui demander de cesser. Il est 6h du matin et cette pratique de réveil forcé serait quotidienne. Le militant qui a filmé explique à Rue89 Strasbourg :
On avait eu des échos de patrouilles de police qui dérangeaient les SDF au petit matin. Je voulais voir si c’était vrai et effectivement. Les policiers réveillent les SDF et leur demandent de quitter les lieux depuis leur voiture.
Là encore, la municipalité se défend piteusement en dégainant un argument auquel nul ne peut croire : si les SDF ont été réveillés brutalement aux aurores, ce serait à des fins d’entretien des rues. Entretenir les rues ? À Strasbourg comme ailleurs, le spectre de l’hygiénisme et de l’évacuation des populations indésirables n’est jamais bien loin.
À Tours, un centre d’hébergement fermé brutalement à la veille de Noël
Les résidents et salarié.e.s du foyer d’hébergement d’urgence Albert Thomas ont appris seulement 24h à l’avance que le lieu allait fermer le 23 décembre.(...)
À Tours toujours, une bonne nouvelle semblait être arrivée lorsque le Conseil d’État a confirmé l’illégalité de l’arrêté anti-mendicité pris par l’ancien maire en décembre 2013. Repris systématiquement par la maire actuel, ce dispositif aurait donc dû disparaître après cette confirmation. Mais le mépris pour les pauvres des élus n’ayant aucune limite, l’adjoint au maire de Tours en charge de la sécurité a aussitôt confirmé dans la presse souhaiter récidiver rapidement malgré cette condamnation. (...)
Banalité du mal
Forgé par Hannah Arendt, le concept de banalité du mal repose sur l’idée que le mal peut-être l’œuvre de gens ordinaires et médiocres qui obéissent aveuglément dans un système organisé. Il est toujours difficile de savoir quand le mot « mal » devient adapté pour décrire une situation. La mise en danger et la violence des outrages dont ministres, préfets, élus et policiers se rendent sciemment coupables à l’encontre de personnes dont ils disposent pourtant du pouvoir d’au moins les mettre à l’abri [1] est clairement de ce ressort.