
Alors que les négociations ont échoué entre la Grèce et ses créanciers (BCE, pays de la zone euro, FMI), 6 étapes et une série de graphiques pour comprendre pourquoi la dette grecque est devenue l’une des clefs de l’avenir de la zone euro et de l’Union Européenne.
1. Pourquoi la Grèce a besoin d’argent en ce moment ?
Trois raisons à cela :
– Méthode et calendrier. L’aide versée à la Grèce l’est tranche par tranche, et à chaque tranche, les créanciers (BCE, FMI, Etats de la zone euro = feu la troïka), conditionnent le versement de chaque nouvelle tranche à la mise en place en Grèce de réformes. Vous trouverez ici un exemple (en anglais) de l’évaluation des réformes menées ouvrant droit à un nouveau versement. La dernière tranche du 2ème plan d’aide (7.2 milliards d’euros) devait être versée en septembre 2014. Cela n’a pas été le cas. Les créanciers ont préféré ensuite laisser passer les soubresauts politiques en Grèce, ainsi que les élections de janvier, pour discuter du déblocage de la tranche. Or, le programme d’aide avait une date de fin. En février, cette date a été repoussé au 30 juin 2015. Voilà pourquoi il fallait que les négociations aboutissent avant. Après le 30 juin, la Grèce n’est plus officiellement sous assistance financière. Sauf négociation sur un troisième plan d’aide.
– Les plans irréalistes. A chaque plan d’aide, les créanciers et la Grèce se mettent d’accord sur des hypothèses qui ne se réalisent jamais. Croissance, rentrée des impôts, recettes de privatisations : les prévisions sont toujours trop optimistes. Arrive donc le jour où la Grèce manque d’argent, et fatalement il faut renégocier (toujours dans la douleur). En 2012, il était prévu que le ratio dette/PIB soit de 153% en 2015. La réalité d’aujourd’hui s’élève à 175%. De fait, les plans d’austérité, corollaires des plans d’aide, ont fait chuter le PIB grec de 25% depuis 2009. Résultat, malgré l’annulation de 107 milliards d’euros de dette sur les créanciers privés (aussi appelé haircut - "coupe de cheveux" ), le ratio dette/PIB a explosé.
– Troisième raison, c’était prévu. En 2012, les créanciers de la Grèce s’étaient engagés à rediscuter de la dette grecque en profondeur dès que le pays aurait un budget en excédent primaire (c’est-à-dire que ses recettes seraient supérieures à ses dépenses, frais financiers mis à part). La Grèce a passé ce cap là en janvier 2014, mais aucune discussion n’a eu lieu. Dès sa victoire aux élections de janvier, Alexis Tsipras a remis le sujet sur la table. Ce fut d’ailleurs un des points d’achoppement de la négociation. A part le FMI, aucun des autres créanciers de la Grèce ne voulait aborder cette question de fond. Aucun responsable politique européen ne l’avoue, mais tous savent que la dette grecque est insoutenable, autrement dit impossible à rembourser, tous les analystes et économistes qui suivent ce dossier le disent aussi, à l’instar de 300 économistes internationaux qui ont publié une tribune intitulée « Nous sommes avec la Grèce et avec l’Europe ». Autre éclairage sur ce thème, le rapport rendu par la commission pour la vérité sur la dette grecque, qui a été rendu en juin par Eric Toussaint (un belge animant depuis des années le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) à la demande de la présidente du parlement grec, Zoé Konstantopoulou. (...)
En deux plans d’aide, la dette grecque a donc changé de structure. Elle était constituée à 80% par des bons du trésor échangeables sur les marchés financiers. Aujourd’hui, ils représentent 29% de la dette (soit 91.6 milliards d’euros, dont 27 milliards détenus par la BCE) ; le reste (221,05 milliards d’euros) est constitué de prêts. Par cette transformation, ce sont des entités publiques (FMI, BCE, FESF, Etats de la zone euro) qui ont remplacé les investisseurs privés, puisqu’ils détiennent maintenant 75% de la dette grecque, contre 0 avant la première crise. Ainsi, la dette grecque a été collectivisée, et le marché des obligations souveraines grecques, « exfiltrés » des marchés financiers classiques. Aujourd’hui c’est un marché à part, où seuls s’aventurent les fonds qui sont prêts à prendre beaucoup de risque en échange d’une forte rémunération. Voilà pourquoi, un potentiel défaut de la dette grecque ne provoque pas de panique sur les marchés financiers. En revanche c’est devenu le problème commun des citoyens-contribuables de la zone euro. Au total, la dette de la Grèce s’élève à 312.65 milliards d’euros.