
Pour mieux tracer viandes et produits laitiers, et limiter les crises sanitaires, l’Union européenne impose désormais une puce électronique pour les animaux d’élevage. Cette puce « RFID » sera obligatoire pour les chèvres et les moutons d’ici juillet 2013. Les petits éleveurs protestent. Ils voient dans ce marquage du vivant un moyen d’industrialiser toujours plus les pratiques, et lui préfèrent la relocalisation de la production, les circuits courts et le tatouage, infalsifiable. Pendant que scandales et fraudes entachent l’industrie agroalimentaire et ses multiples intermédiaires, ces éleveurs risquent d’être lourdement sanctionnés.
Reportage dans la Drôme lors d’une transhumance contestataire.
« Nos brebis ont déjà une boucle avec un numéro à chaque oreille. On nous bassine avec la traçabilité en nous obligeant maintenant à les identifier avec une puce électronique. C’est pas les brebis qu’ils veulent tracer, ce sont les éleveurs ! », s’emporte Ingrid Louis. (...)
A quelques pas d’Ingrid, Laure Charoin arbore fièrement un T-shirt « ni pucé, ni soumis ». Membre du collectif des éleveurs de la Drôme, elle co-organise la « transhumance festive » de Mornans (Drôme) à Valence. « Vu qu’on ne nous écoute pas, on fait du bruit », lâche l’éleveuse de brebis laitières. Elle partage avec les autres éleveurs de profondes inquiétudes « sur l’avenir d’une société qui puce de plus en plus largement les êtres vivants et qui ne voit de salut que dans toujours plus de technologie ». (...)
L’affaire de la viande de cheval vendue comme du bœuf à l’industrie agroalimentaire ne peut que leur donner raison : la traçabilité n’a pas fait défaut, mais l’absence de contrôle par les firmes et la multiplication des intermédiaires, sous-traitants et traders de matières agricoles.
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S’il faut davantage renforcer la traçabilité, les éleveurs préconisent le tatouage, infalsifiable, contrairement à la puce RFID qui peut facilement être « grillée si elle est soumise à une forte variation de champ magnétique » souligne la Confédération paysanne de PACA. « Pour soigner, sélectionner et identifier nos animaux d’élevage, nous demandons simplement à ce que soit respectée notre liberté d’en choisir les moyens, du moment qu’ils sont fiables et éprouvés depuis longtemps », résume Cécile. (...)
« L’élevage a toujours été un excellent laboratoire pour faire ce que l’on fera ensuite sur les hommes », redoute Yvan Delage. Le collectif des éleveurs drômois a rédigé une motion qui a reçu le soutien de 70 communes. Ils sollicitent une rencontre avec le ministre de l’Agriculture pour demander la levée de l’obligation de cette identification électronique. Certains pays européens comme l’Autriche, l’Angleterre et l’Irlande ont refusé les puces et conservé les moyens d’identification traditionnels, comme les boucles et les tatouages.
En France, plusieurs collectifs contre le puçage électronique des élevages se sont créés, en Ariège, dans la Drôme et dans le Tarn et Garonne. Ils refusent que la conduite de leurs vies et de leurs élevages soit soumise à des systèmes automatisés. (...)