Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Le Monde Diplomatique
Travail en souffrance
Article mis en ligne le 19 juin 2015
dernière modification le 15 juin 2015

Pour comprendre ce qui se joue au travail, il est bon de se pencher sur le cadre de l’emploi. Sophie Robin-Olivier, professeure de droit à la Sorbonne, s’y est attelée dans un ouvrage austère mais éclairant (1). En mettant en regard plusieurs pays européens ainsi que les Etats-Unis, cette spécialiste du droit social élabore une typographie des contrats de travail flexibles et constate le succès du modèle anglo-saxon, dominé par la liberté contractuelle, dans lequel « le rééquilibrage du rapport inégal des parties au contrat de travail ne constitue plus un objectif de la politique sociale ».

(...) Au-delà des mutations au niveau macroéconomique, c’est bien la matière « travail » qu’étudient respectivement Danièle Linhart et Christophe Dejours. La première, sociologue, analyse dans son dernier ouvrage le management « humaniste », sorte de sursaut psychologisant à l’œuvre dans les entreprises pour répondre à la souffrance au travail (2). (...)

Aujourd’hui, même si l’individualisation et la mise en concurrence se poursuivent, « armes éternelles relookées », les managers s’efforceraient de « séduire » et de « comprendre le salarié ». A charge pour ce dernier de « s’identifier » en retour aux valeurs de l’entreprise et d’accepter la « précarité subjective » qui y règne : réorganisation des postes, des missions, des conditions de travail. « Dans les rapports de production tels que façonnés par le management moderne, l’humain est en péril, rappelle Linhart. Il se trouve de moins en moins inscrit dans la perspective d’un destin professionnel commun. C’est l’entièreté de la personne qui est livrée au jugement des supérieurs hiérarchiques, notamment à travers l’évaluation » — voire l’autoévaluation.

Christophe Dejours documente, lui aussi, cet effacement continu du travail « non prescrit » et de sa dimension collective (3). Le psychiatre donne à lire deux études édifiantes portant sur des univers totalement différents. Entre un travail à l’hôpital devenu abscons à force de normalisation et, dans un centre d’appels, la division des équipes et le management « par le challenge », difficile de croire en une quelconque amélioration. Sans verser dans un optimisme béat, Dejours montre cependant que d’autres solutions existent. (...)