Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Trémargat, laboratoire d’alternatives et de démocratie participative à ciel ouvert
Article mis en ligne le 14 décembre 2014
dernière modification le 11 décembre 2014

A Trémargat, dans les Côtes d’Armor, la solidarité, l’entraide ou l’écologie ne sont pas de vains mots. La petite commune bretonne est depuis vingt ans un laboratoire à ciel ouvert de projets alternatifs. Ses habitants soutiennent l’installation de paysans, s’approvisionnent dans une épicerie de produits bio et locaux, se retrouvent au café associatif, délibèrent au sein d’un conseil municipal qui applique des principes de démocratie participative, et s’éclairent avec Enercoop.

La formule fonctionne : le village qui se mourait dans les années 70 est depuis quinze ans en pleine renaissance. La preuve qu’on peut vivre autrement. Reportage.

Un samedi matin gris de novembre. Il pleut des cordes sur Trémargat, un village des Côtes d’Armor, perdu au cœur du Kreiz-Breizh (Centre Bretagne). Pourtant, sur la place centrale, une armée silencieuse a adopté le ciré pour uniforme et, bravant les gouttes, ratisse, bine et nettoie les parterres de fleurs. « On organise un chantier participatif pour terminer l’aménagement du bourg, explique Yvette Clément, la maire, une brouette à la main. Nous, on s’occupe des espaces verts, et une autre équipe, installée sous un hangar plus loin, construit six bancs en bois qui seront installés sur la place. »

L’initiative est loin d’être une première : l’an dernier, le centre du village a été totalement transformé grâce à la participation d’habitants bénévoles. « C’est une idée du précédent conseil municipal, raconte Yvette, élue en mars dernier à la tête de cette commune de 180 habitants. Un projet d’aménagement classique, bétonné, avait été proposé par un cabinet. Cela aurait coûté 120 000 euros, soit la quasi totalité du budget annuel. » La mairie choisit alors de faire appel aux bonnes volontés et de créer un théâtre de verdure, au cœur du village. « Les paysans sont venus avec leurs tracteurs, les charpentiers ont construit une pergola. C’est bien plus joli et cela n’a coûté que 12 000 euros ! » (...)

Ce chantier est emblématique de la façon de fonctionner made in Trémargat. Ici, l’adjectif participatif n’est pas un vain mot. Il est appliqué à la lettre et décliné dans tous les domaines : politique, culturel et économique. « On pratique la politique du colibri, résume Yvette, en faisant référence à Pierre Rabhi. Chacun fait sa part ! » Tout le monde s’investit, au service de valeurs communes : l’écologie, l’entraide, et la décroissance. Plus qu’une terre, les habitants partagent une volonté de vivre ensemble, autrement.

Des agriculteurs néo-ruraux contre le modèle productiviste breton (...)

Séduits par cet état d’esprit qui se diffuse doucement dans la bourgade, de nouveaux venus les rejoignent au fil des ans. Potier, artisans, coiffeur, restauratrice... posent leurs valises pour de bon. Résultat, l’hémorragie démographique est stoppée (...)

le maire ne fait qu’un seul mandat ! Surtout, il applique un programme décidé en commun avec les habitants. (...)

Les grands axes du programme sont donc élaborés par les habitants eux-mêmes. L’élection passée (comme souvent dans les petites communes, il n’y a qu’une liste), ceux qui le souhaitent – et ils sont nombreux – restent impliqués, via les comités consultatifs constitués pour suivre la mise en place de chacun des thèmes du programme. (...)

tout n’est pas idyllique : « Ça ne se fait pas tout seul. Il y a des clashs, des désaccords, des débats interminables, des projets qui n’aboutissent pas, des gens qui ne participent pas. Mais dans l’ensemble ça fonctionne. Car la plupart des gens vivent là, partagent un même état d’esprit et sont emportés par cette dynamique collective. Ça donne envie de s’impliquer à son tour. » (...)

Deux ans après son ouverture, l’épicerie, qui travaille avec trente producteurs de la région et trois grossistes pour le bio, rencontre même un succès qui dépasse toutes les attentes. (...)

Garder la maîtrise. Pour y arriver, Trémargat déploie tous les moyens à sa disposition. Elle a ainsi établi un plan local d’urbanisme (PLU), en 2006, pour imaginer le futur visage de Trémargat. Peu fréquent pour une commune de cette taille, le document a permis de protéger les zones humides et bocagères et de rendre constructibles une quarantaine de parcelles dans des hameaux, afin de pallier au manque de foncier. Surtout, il permet à la commune d’être plus autonome quant à ses choix de développement. Trémargat est aussi la première commune française à avoir choisi d’être alimentée en électricité par la coopérative de l’énergie Enercoop qui privilégie les énergies renouvelables. Du coup, la coopérative y a installé son siège social breton. Malgré l’anticléricalisme d’un bon nombre d’habitants, la commune a aussi accepté de gérer la rénovation de l’église, financée à 90% par des subventions. Mais à une condition : désacralisée, elle pourrait accueillir les associations. Un accord inédit a même été signé entre le curé, la mairie et les associations pour entériner la situation. (...)

Mieux, Trémargat a décidé de peser sur l’orientation économique de la commune. Sur les 14 fermes que compte le village, 12 sont aujourd’hui adhérentes au Cedapa (Centre d’étude pour le développement d’une agriculture plus autonome) qui promeut une agriculture durable. Pour maintenir cet équilibre, la commune est déterminée à favoriser l’installation d’agriculteurs écolos. Oui, mais comment faire, puisqu’elle ne peut financer des projets privés ? Une solution est trouvée : une Société civile immobilière (SCI) va être constituée, afin de soutenir le projet d’installation de Jennifer et de son compagnon, originaire de la commune. (...)

La mobilisation a sonné : la SCI va réussir à regrouper une centaine d’associés, dont la commune, des particuliers, des associations. Et réunit les fonds pour acheter le terrain (...)

« Dans le programme commun, nous avons choisi de nous concentrer sur la préservation des espaces naturels qui représentent 50% du territoire de la commune. De créer un site internet, et d’entretenir et améliorer encore le centre bourg. Nous avons aussi commencé à réfléchir à un projet d’éco-habitat intergénérationnel. » D’autres idées sont dans l’air, comme la création d’un atelier de mutualisation des services, pour effectuer des réparations en commun ou partager les outils nécessaires afin de préparer du jus de pomme. (...)

Trémargat semble armée pour continuer à vivre comme elle l’entend. Oubliée l’époque où ses voisins regardaient la commune d’un œil circonspect. Devenue un modèle dans les cercles alternatifs, elle a peu à peu gagné le respect du plus grand nombre. « On continue d’intriguer un peu, estime Yvette. Mais on a prouvé des choses. On ne nous voit plus comme des rêveurs, mais comme un commune qui se débrouille et qui innove. » Si bien d’autres communes pouvaient rêver et innover comme eux.