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le monde diplomatique
Turquie, Irak, Iran et Syrie redoutent le rêve kurde
« L’Atlas Un monde à l’envers » • 2009
Article mis en ligne le 20 octobre 2019
dernière modification le 19 octobre 2019

Les frontières de la région, tracées au début du XXe siècle, les avaient condamnés à rester un peuple sans patrie de plus de trente millions de personnes, éclaté entre l’Iran, l’Irak, la Turquie et la Syrie. A la tête du Kurdistan irakien depuis 1991, les Kurdes ont probablement tourné une page de leur histoire.

Proclamée en Iran à la fin de la seconde guerre mondiale, la République de Mahabad – seul Etat kurde de l’histoire, partiel et provisoire – n’exista que dix mois. Elle fut écrasée en 1946, et ses dirigeants pendus. Le général Moustapha Barzani, ministre de la défense se réfugia en Union soviétique avec ses combattants.

De retour en Irak en 1956, il reprit, en 1970, la lutte pour l’autonomie kurde contre Bagdad, avec l’appui de l’Iran et des Etats-Unis, avant d’être abandonné par ses alliés à la suite de l’accord conclu en 1975 à Alger entre Téhéran et Bagdad, avec l’aval de Washington. Durant les trois décennies suivantes, les Kurdes d’Irak, d’Iran et de Turquie ne cesseront de lutter politiquement et militairement pour la reconnaissance de leurs droits. La guerre du Golfe (1991) permettra enfin la création d’une région réellement autonome du Kurdistan irakien.

Le pire reste certes toujours possible : « En Irak, les chiites sont traumatisés par leur passé, les sunnites par leur avenir et les Kurdes par les deux », résume Massoud Barzani (Al-Arabiya, 6 avril 2007). Mais le retour de la région kurde à la case départ, sous la domination de Bagdad, est peu probable.

Le Parlement kurde d’Erbil vote désormais ses propres lois. La région connaît un développement déconnecté du reste de l’Irak, un « turbo-capitalisme » enjolivé de restes d’économie dirigée, qui profite d’abord aux riches, aux familles des membres des deux partis kurdes dominants, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de M. Barzani à Erbil, et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani à Souleimaniyé. La langue kurde est la langue d’enseignement. Les libertés de presse et d’opposition, relatives, existent néanmoins. La région possède ses propres forces militaires.

Les Kurdes des pays voisins vivent en partie l’expérience des Kurdes d’Irak comme la leur, et les mouvements rebelles kurdes de Turquie trouvent refuge au Kurdistan irakien avec l’assentiment du gouvernement d’Erbil.

De leur côté, la Turquie, la Syrie et l’Iran redoutent que la stabilisation de la région autonome inspire les Kurdes vivant dans leurs frontières. (...)

Dans un environnement régional hostile, les Kurdes sont régulièrement invités à modérer leurs exigences quant au contrôle des richesses de leur sol, au partage proportionnel des revenus de l’Irak, et à renoncer au rattachement de Kirkouk, ville au passé kurde, à leur région. Pourtant, leurs supposés adversaires arabes, chiites et sunnites, sont d’abord confrontés à leurs propres divisions. (...)

En Turquie, après plus de deux décennies de guérilla, les Kurdes sont toujours en quête d’une solution politique. L’affrontement entre les combattants du PKK et l’armée turque a conduit à l’impasse. La population de la région kurde a plébiscité lors des élections locales du 29 mars 2009 le parti pour une société démocratique (DTP), pro-kurde, contre l’AKP du premier ministre turc Tayeb Erdogan.

En Iran, le Parti pour une vie libre au Kurdistan, proche du PKK, a renforcé son influence. En Syrie, la situation des Kurdes, minorité niée, s’est encore dégradée depuis l’arrivée au pouvoir de Bachar Al-Assad.