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Twittomanie médiatique : comment réduire en bouillie une interpellation féministe
Article mis en ligne le 24 février 2014

Twitter est un outil merveilleux, surtout pour les sites internet d’information générale. Ceux-ci peuvent y trouver, à tout instant de la journée, une discussion qui fera l’objet d’une « revue de tweets » rapide à faire. Qu’importe alors que le sujet soit grave : son traitement, lui, n’en sera que plus léger.

Le féminisme en a fait l’expérience le mardi 4 février. Ce jour-là, Valérie CG (@valerieCG sur Twitter) publie sur le réseau social une liste de conseils à l’attention des hommes qui veulent avoir un comportement féministe. Une « réaction à l’inertie d’une association de mecs censée déconstruire la virilité, et qui attend surtout, à mon sens, que les femmes leur disent quoi faire », explique-t-elle dans un entretien par mail. Parmi une vingtaine de conseils), un seul cristallise les réactions : « dans la rue la nuit si une femme est seule, je la dépasse vite en me mettant sur le trottoir d’en face pour montrer que tout est safe ».

« Nous ne sommes pas tous des agresseurs en puissance » et « il est ridicule de traverser la rue », font valoir des internautes, manifestement hors-sujet. « J’ai donné ce conseil précis, non pas pour qu’il soit pris au pied de la lettre mais pour qu’il y ait discussion autour de la peur des femmes dans l’espace public », indique Valérie CG.

Face à ces réactions, deux autres utilisatrices de Twitter créent le « hashtag » [1] : #safedanslarue. Avec ce mot-clef, de nombreuses femmes exposent publiquement les réflexes, plus ou moins conscients, qui guident leur comportement quand elles sont seules dans la rue : garder la main sur les clefs, mettre ses écouteurs sans musique, faire semblant de passer un coup de fil quand elles se sentent suivies…

Toute personne ayant suivi le débat depuis le début, ou prenant la peine de remonter à sa source et de s’attarder sur les tweets de Valérie CG, peut alors comprendre qu’il ne s’agit pas, pour les utilisatrices de Twitter, de se donner des « astuces » pour rentrer sans encombres à la maison, mais de témoigner de la pression sociale exercée de façon permanente sur les femmes, élevées dans la peur d’être agressées et violées (...)

« Twitter s’inquiète », « Twitter s’indigne », « Twitter sourit »... Avec cette matière prête à l’emploi livrée par les internautes – et dont l’exploitation est rendue très facile par la possibilité d’intégrer directement les tweets dans les articles –, les sites d’information ont à leur disposition tout le nécessaire à la publication rapide de contenus courts et sans intérêt qui apparaîtront en bonne place dans Google. Et tant pis si un sujet qui pourrait fournir matière à reportages, enquêtes et débats se glisse parmi les « hashtags » du jour : il sera (mal)traité comme les autres.