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l’Humanité
Ukraine. Dans le Donbass, « l’impression de revivre le même cauchemar qu’en 2014 »
Article mis en ligne le 22 février 2022

De nombreux habitants des Républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk fuient vers la Russie, constate notre envoyé spécial dans l’Est de l’Ukraine. Alors que les autorités locales y ont décrété la « mobilisation générale » des hommes de 18 à 55 ans, beaucoup de femmes et d’enfants veulent fuir cette zone de conflits. Ceux qui restent oscillent entre peur, incompréhension et espoir d’un dénouement.

(...) Une longue file pour se rendre en Russie

Au poste-frontière, tout en briques et en tôles, des impacts de balles sur le bâtiment datant des premières années du conflit en 2014 sont encore visibles. Après avoir quitté la Fédération de Russie, une trentaine de gardes dans leurs treillis kaki et chaussures noires s’affairent pour la DNR. La plupart ont moins de 30 ans. L’armée, les services de renseignements et de sécurité sont tous présents. La tension y est palpable et les temps d’attente plus importants. « C’est normal, confie l’un d’eux. On ne peut pas se ­permettre de laisser passer n’importe qui. » (...)

La file pour se rendre en Russie s’avère saturée. Une longue queue de dizaines de camions, bus, voitures, taxi, attend pour passer. Dans l’autre sens, c’est le calme. Aux guichets de contrôle, un petit garçon de 5 ans, qui ne comprend pas ce qui se passe, serre son ours en ­peluche. Les habitants, qui s’en vont par dizaines, sont principalement des femmes, des familles et des enfants. Les forces du ministère des Situations d’urgence les aident à porter leurs sacs ou bien les accueillent dans des tentes pour recevoir des soins, de l’eau, à manger.
« Arriver à Rostov pour fuir les combats »

En contrebas de ces guérites, sur le territoire de la République autoproclamée de Donetsk, des tentes ont été installées pour accueillir les réfugiés. Depuis vendredi, leur flux ne se tarit pas. Les chiffres restent difficilement ­vérifiables, mais 30 000 personnes auraient rejoint la Russie ces derniers jours. Dans un bus blanc qui attend de passer la frontière, une vingtaine de mères patientent avec leurs enfants.

Pour Tatiana, la trentaine, qui a quitté le Donbass avec son gamin de 3 ans, « le but est d’arriver à Rostov pour fuir les combats. Ensuite, on verra si on est installés dans un camp, si on doit rester longtemps, si on doit revenir. Mes parents et mon frère sont restés. Ils sont mobilisés ». (...)

La « mobilisation générale » des hommes

À peine la frontière passée, un immense ruban, aux rayures orange et noire, celui de saint Georges, est sculpté en bord de route. Ce symbole de la victoire de l’Armée rouge sur l’Allemagne nazie est devenu une marque, un soutien aux républiques du Donbass.

Ici, peu de doute sur la nature industrielle de la région. De nombreux terrils se dressent au fur et à mesure qu’on se rapproche de Donetsk. Terre de mineurs, le Donbass continue d’extraire d’importantes quantités de charbon, où l’on compterait plus de 700 terrils en activité au sein de la DNR. Mais dans des situations particulièrement précaires, où les accidents et les salaires en retard sont fréquents. (...)

En arrivant sur Donetsk, des contrôles ont été installés pour ceux qui partent vers la Russie. Les policiers y surveillent les autorisations. « Difficile pour les hommes de quitter la région avec l’oukaz des deux dirigeants de Lougansk et de Donetsk », nous explique Viktoria. Depuis samedi, les autorités des deux Républiques autoproclamées – LNR, DNR – ont ordonné l’évacuation des femmes, des enfants et des personnes âgées. Mais elles ont décrété la « mobilisation générale » des hommes de 18 à 55 ans. (...)

Dans la capitale de la DNR, le calme règne. Dans cette ville d’un million d’habitants, chacun s’affaire en ce dimanche à ses activités : balade, courses, café. « Il y a moins de monde que d’habitude, mais les gens continuent de vivre. La ligne de front est assez éloignée et la situation n’apparaît pour l’instant pas aussi dramatique qu’en 2014, au début du conflit », estime Ivan, qui dirige une ONG des droits humains, Défense juste.
Une guerre de désinformation

À quelques kilomètres, le long de la ligne de front, entre les Républiques autoproclamées de Lougansk (LNR) et de Donetsk (DNR) et l’Ukraine, les violations du cessez-le-feu se multiplient depuis jeudi. Un pic a été même franchi vendredi et samedi, avec plusieurs attaques visant notamment des infrastructures électriques à Gorlovka ou sur une portion du ­gazoduc vers Lougansk. La zone autour de l’aéroport de Donetsk a également subi des tirs.

Selon l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), il s’agit des plus graves incidents depuis deux ans et la signature du dernier accord pour renforcer le cessez-le-feu en juillet 2020. Pour les services secrets ukrainiens, les dégâts auraient pourtant été causés par des actes de sabotage de militants du LDR ou du DNR, ou de paramilitaires russes.

Dans cette guerre de désinformation, cette affirmation rejoint exactement les propos tenus par l’administration américaine. Washington accuse la Russie de « créer des fausses justifications », relayant des images qui ne seraient pas vraies. Le but : accuser les autorités à Kiev et ainsi agir militairement. « C’est reparti, se désole Olia, la quarantaine. J’ai décidé de rester à Donetsk pour l’instant. J’ai l’impression de revivre le même cauchemar qu’en 2014. Je ne comprends pas. L’armée ukrainienne et son président pensent-ils sincèrement qu’avec encore plus de morts et de vies détruites, on voudra revivre avec eux ? »

Sur Twitter :
Agence France-Presse
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[A LA UNE 12H] Vladimir Poutine a choisi de défier les Occidentaux en ordonnant à ses troupes d’entrer dans les territoires séparatistes de l’Est de l’Ukraine, provoquant une réunion d’urgence du conseil de sécurité pour tenter d’éviter une guerre la nuit dernière #AFP

Agence France-Presse
@afpfr
[A LA UNE 12H] L’ONU et une majorité de membres du Conseil de sécurité de tous les continents, Etats-Unis en tête, ont dénoncé hier lors d’une réunion d’urgence la décision de la Russie de reconnaître l’indépendance des républiques sécessionnistes de l’Est de l’Ukraine #AFP